La Lettre de l’ASES

Association des Sociologues Enseignants du Supérieur

32

décembre

2002

Editorial

par Régine Bercot, présidente de l'ASES 3

Faire une thèse :
rapport de soutenance et évaluation
:

Le rapport de pré-soutenance par Claudine Dardy 6

Le rapport de thèse par Dominique Maingueneau 11

Les pratiques d'évaluation du CNU par Philippe Cibois 20

Tribune libre. :

Relancer le débat sur les chargés de cours par Sylvia Girel. 23

Vie de l'ASES :

Compte rendu de la réunion de l'ASES sur les politiques d'édition du 30 septembre 2000 27

Compte-rendu des CA du 12 octobre 2002 31


 

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La lettre de l’ASES est le bulletin de liaison de l’ASES

Association des Sociologues Enseignants du Supérieur

Cette association Loi 1901 a été fondée en 1989 pour "défendre, améliorer et promouvoir l’enseignement de la sociologie. Elle vise à rassembler, à des fins d’information, de réflexion, de concertation et de proposition, les enseignants-chercheurs et les enseignants de sociologie en poste dans les universités et les établissements d’enseignement supérieur assimilés"

Le Conseil d’administration en est actuellement le suivant :

Régine Bercot (présidente)

Yeza Boulhabel-Villac

Philippe Cibois (secrétaire général,
chargé du bulletin)

Mario Correia

Sylvette Denèfle

Michèle Dion (trésorière)

Claude Dubar

Francis Farrugia

Daniel Filâtre

Charles Gadéa

Sandrine Garcia

Suzie Guth

Monique Legrand

Salvatore Maugeri

Frédéric Neyrat

Pascal Ragouet

Jean-Luc Richard

Nicole Roux

Patrick Trabal

Jean-Yves Trépos

Rédaction de la Lettre de l’ASES : c/o Philippe Cibois

22 bis rue des Essertes, 94140 ALFORTVILLE

tel/fax 01 43 75 26 63 ; cibois@francenet.fr

 

Editorial

Régine Bercot

Présidente de l’ASES.

Depuis mai 2001, les membres de l’ASES débattent de l’acte de formation à la recherche que représente la thèse. Cet acte est avant tout une histoire, et un cheminement celle du doctorant. Elle se joue aujourd’hui encore, très souvent exclusivement dans la relation au directeur de thèse. Pourtant les différentes séances ont bien mis en évidence l’avantage et la nécessité d’une inscription collective et ceci à la fois pour le doctorant et pour les chercheurs et enseignant coopérant au sein des labos.

Le doctorant éprouve fortement la solitude qui accompagne son cheminement individuel et est très demandeur de socialisation au métier de chercheur et à la communauté de la recherche et de l’enseignement. Il souhaite donc s’inscrire dans des cercles d’échange et de suivi susceptibles d’ouvrir et d’approfondir ses approches. La discussion scientifique est importante y compris sur des objets différents de celui que l’on souhaite étudier. On a pu également noter que les doctorants réussissent bien mieux et plus vite lorsqu’ils trouvent des ressources qui les aident à vivre et quand ils peuvent mieux se consacrer à leurs travaux.

Côté enseignants, on a pu remarquer que les pratiques sont assez diverses et que le suivi des doctorants donne lieu à des pratiques fort différentes : cela va du colloque singulier doctorant/enseignant à une inscription forte dans un laboratoire qui soutient accompagne, intègre le travail du doctorant dans une problématique générale. La diversité de ces pratiques s’explique en partie par les conditions dans lesquelles travaillent certains enseignants. Au sein d’une équipe le nombre de places est limité, de même que les objets des chercheurs présents dans une université ; le nombre des enseignants susceptibles d’insérer les personnes n’est pas extensible à l’infini. En outre, le directeur de thèse ne peut avoir les compétences sur les différents domaines.

Ces différents problèmes d’encadrement, d’accompagnement et de socialisation des doctorants peuvent trouver des solutions dans différentes formes de travail. Notamment, nous avons souligné l’importance de mettre en œuvre un suivi plus collectif. ; il apparaît nécessaire de créer autour du doctorant un réseau de compétences afin de mieux l’aider à penser sa problématique et améliorer sa connaissance de la littérature et des travaux existant sur son objet.

Cette socialisation du suivi du doctorant peut prendre des formes diverses : rencontres avec des spécialistes sur une question pour leur montrer un travail et recueillir leur point de vue, comité de thèse qui se réunit à certaines étapes cruciales de la thèse, pré soutenance qui peut avoir lieu régulièrement, ou l’année précédent la thèse pour aider le doctorant à infléchir ou compléter son travail si nécessaire, mini exercices de soutenance au sein d’un laboratoire avec éventuellement des chercheurs invités pour éprouver l’avancement de la thèse…

Ces exercices ont l’avantage d’aider le doctorant dans sa démarche. Cela banalise l’épreuve que représente la confrontation sur son travail, cela enfin forme à une dimension incontournable du métier de chercheur, la discussion, et le débat. Si certains doctorants ou même certains enseignants ont une vision individualiste et solitaire de la recherche, nombre d’entre nous affirment et militent pour faire avancer l’idée que faire de la recherche nécessite de situer sa pensée par rapport à celle des autres non pas uniquement au travers du dialogue avec les livres ou avec son directeur de recherche mais avec les membres de la communauté scientifique au sens large. Les doctorants sont susceptibles de devenir aussi enseignants-chercheurs et cette dynamique de socialisation par le milieu apparaît de ce fait essentielle pour se former aux activités d’enseignants.

L’apport de telles pratiques pour le doctorant n’est pas non plus sans avantage pour les chercheurs et les enseignants concernés par cette démarche de socialisation. En effet, il est tout à fait essentiel pour un laboratoire et pour les membres de la communauté de prendre connaissance des travaux en cours. Ces diverses réunions autour du doctorant sont aussi l’opportunité d’échanger avec des pairs, et d’élargir les cercles de connaissance. Bref de telles pratiques permettent la circulation des idées et des connaissances dans notre milieu et peuvent aussi ouvrir à d’autres collaborations.

C’est la raison pour laquelle nombreux sont ceux qui pensent qu’il faut afficher dès maintenant une orientation et des principes de travail qui favorisent l’orientation plus collective de l’enseignement à la recherche. Cela suppose aussi de limiter nos ambitions et d’être plus sélectifs dans nos accueils de doctorants : privilégier les sujets proches de ceux du labo, favoriser l’expression d’une demande des labos en terme de profils de sujets pour les thèses, réduire aussi le nombre de doctorants à encadrer.

Ces principes et ces orientations doivent être compris comme un engagement dans une orientation, un processus visant à créer les conditions pratiques d’un meilleur encadrement. Ils ne peuvent tous être mis en application du jour au lendemain. Leur application, me semble t-il, suppose d’obtenir un certain nombre de moyens matériels en terme de locaux dans les universités et dans les laboratoires, mais aussi de crédits. En outre, il apparaît nécessaire de solliciter les collègues chercheurs et les associer. Certains travaillent déjà de manière tout à fait intéressante avec les enseignants dans la formation et l’encadrement de la recherche. Mais cette pratique n’est pas encore partagée par tous et nous avons à les gagner à notre démarche.

Pour avancer sur ces questions et mettre en place des référents communs aux enseignants de l’ASES, un conseil d’administration de l’ASES, élargi à d’anciens membres du CA, s’est réuni le 6 décembre et élabore un référentiel des pratiques d’encadrement des doctorants. Ce référentiel sera travaillé à nouveau au CA du 18 janvier puis proposé à l’assemblée des adhérents lors de notre Assemblée Générale de mars.

Régine Bercot

Présidente de l’ASES

Faire une thèse,
rapport de soutenance et évaluation :
rencontre du 12 octobre 2002

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Le rapport de pré-soutenance
par Claudine Dardy
Université de Paris XII (Créteil)

 

 

Ce travail sur le rapport de soutenance de thèse, résulte d’une proposition faite en 1999 dans le cadre du CEDITEC, équipe d’accueil de l’université Paris 12, qui se consacre à tout ce qui est discours, textes images, écrits, une équipe qui a l’originalité d’être pluridisciplinaire de comprendre ceux qu’on attend ordinairement sur ce terrain ou plutôt sur ces corpus : les linguistes, les sémiologues, les spécialistes de la communication, mais aussi ceux qu’on attend moins, les sociologues dont je suis.

Quelle peut être la spécificité de l’approche sociologique sur les écrits, l’écriture ? Il n’y a pas tant d’évidence, pour faire rapide, on pourrait dire que la sociologie va contribuer à circonscrire des types d’écrits non littéraires : écrits utilitaires, écrits institutionnels, écrits ordinaires, écrits domestiques, écrits de travail, écrits administratifs par exemple, qu’elle va s’intéresser à des postures d’écritures, bien au-delà de celles classiques d’auteurs, que sans doute, elle sera plus attentive aux pratiques et usages engendrés par la production de ces écrits, et que sans doute plus qu’aux contenus mêmes, elle s’attachera aux conditions de production de ces textes, à leur mode de fabrication.

Le travail sur les rapports de soutenance de thèse a de fait, été une des toutes premières occasions, d’exercer un regard croisé sur le même objet et ce regard croisé était le fait de D.Ducard, se définissant plus comme sémiologue, de D. Maingueneau ici présent, analyste de discours, et de moi-même.

Pourquoi, cet objet, les rapports de soutenance de thèse ? L’ASES n’est pas pour rien dans ce choix, qui a été fait bien avant une certaine affaire de thèse, avant aussi que ne soit entrepris, des enquêtes systématiques et tout à fait utiles sur la condition doctorante, et sur le " faire, diriger et soutenir une thèse ".

Il est certain que les pratiques d’écriture universitaire qu’elles soient le fait des étudiants, des doctorants ou des enseignants, font bien partie de ces ensembles à caractériser par une approche aussi sociologique (se demander s’il y a là un ou des genres, sera plus dans le vocabulaire de l’analyste de discours)

Pour ma part s’intéresser à ces pratiques d’écriture et à ce qui les entoure correspondait certainement à un vieil héritage précisément celui de mon directeur de thèse René Lourau, qui encourageait si fort, à analyser les institutions notamment celles ou on se trouvait. Il avait publié en 1969 dans un ouvrage intitulé l’illusion pédagogique, un premier compte rendu, une observation de soutenance de thèse qui s’appelait " un spectacle en Sorbonne ", René Lourau recontacté après de très nombreuses années en décembre 1999 avec l’intention, de recueillir les fruits d’une expérience longue et assez atypique de professeur et directeur de thèse n’a pu hélas être rencontré sur ce thème puisqu’il est mort en janvier 2000, hommage donc à René Lourau d’une certaine façon pour l’héritage et cette disposition, et peut être plus inattendu un certain goût pour l’écriture et des écrits, (forte manifestation des institutions dans une société de culture écrite)

Outre cette référence à René Lourau, la thèse n’a pu qu’attirer mon attention à constater qu’elle s’imposait comme un modèle fort à tous les étages universitaires et scolaires, un genre proliférant, bâti sur cet écrit, à soutenir oralement devant un jury, d’où une inflation de mémoires ainsi conçus, pour toutes sortes de diplômes professionnels, infirmiers, éducateurs.

Un modèle fort donc qui méritait d’autant plus attention à ce titre.

Par ailleurs, l’ASES en faisant écho aux débats des CNU, pour la qualification des enseignants chercheurs, éventuellement à l’activité des commissions de spécialistes à travers l’expérience des uns et des autres, laissait émerger toute une série d’interrogations, de doutes sur les indicateurs dont on disposait pour procéder à ces sélections et qualifications, dont on trouvait trace encore dans les bulletins de l’ASES, cette fois en données chiffrées, et analyses sur les différentes vagues de qualifiés (menées par A.Chenu) Est souvent revenu comme un problème l’inflation têtue des mentions, toujours tirées, quelles que soient les injonctions, préconisations, vers la plus haute. Cela était plutôt à prendre comme un fait, à interpréter, plus qu’à envisager comme une déviation des modes d’évaluation.

Si la mention ne fonctionne pas alors, il existe toutes sortes d’autres signes qui servent à discriminer : la notoriété du directeur de recherche, la composition du jury, les ajouts à la mention non obligés du type, à l’unanimité, à la majorité, qui peuvent entourer la mention. Ces signes fonctionnent de manière implicite, comme une sorte de code, que tout membre de commission apprend à connaître. Le rapporteur dans une commission, se familiarise rapidement avec ces signes, puisqu’il dispose d’éléments qui ne sont pas toujours le document thèse dans un premier temps mais son résumé et puis, et c’est pour cela, que ce document devient capital dans les procédures de qualification, le rapport de soutenance de thèse donc.

D’où cette interrogation à propos de la thèse qui se cristallise sur le rapport de soutenance de thèse.

Puisque j’étais la sociologue de service, j’ai plus été attentive pour ma part, aux conditions de production de ce rapport, ou plus exactement à essayer de définir le moment où il était produit par rapport aux étapes antérieures. Le rapport de soutenance de thèse est l’aboutissement d’un long chemin, d’un parcours de l’impétrant lui-même qui va de l’inscription comme doctorant, à la soutenance et à ses conséquences, mais où la production de la thèse elle-même, paraît du coup nettement reléguée au second plan, cela vient dire que " la thèse n’est pas un objet scientifique pur flottant hors de toutes contraintes sociales "

Un premier constat est que la thèse correspond à une condition celle de doctorant qui peut représenter un mode de socialisation dans une communauté donnée et à cet égard elle est autant un parcours qu’un produit, c’est aussi se dire que le RTS est une petite pièce essentielle dans un dispositif de qualification et qu’on ne saurait en saisir la teneur qu’à la resituer dans la longue chaîne au sein de laquelle il prend place. La manière dont ce rapport est rédigé et lu ne prend sens qu’à connaître les étapes antérieures qui vont le permettre.

Ces étapes antérieures sont constituées de moments formels, et informels, écrits et oraux, la soutenance, est sans doute un des rares oraux formalisés institués, comme tel mais il ne faut pas s’illusionner le rapport de soutenance, est tout, sauf un compte rendu de cet oral, mais cela Dominique Maingueneau le dira mieux que moi

Pour ma part je vais juste m’arrêter sur un écrit formalisé, produit avant la soutenance et son rapport et qui même la conditionne, c’est le rapport de pré-soutenance, une sorte de bon à soutenir, qui est le fait de deux rapporteurs distincts extérieurs à l’établissement d’inscription de la thèse.

Quand on en est à l’étape du pré-rapport de soutenance, cela veut dire que la décision a d’ores et déjà été prise par le doctorant et son directeur, la thèse est arrivée à maturité, bonne à soutenir. Commence alors pour le directeur une zone de forte turbulence, c’est une phase au cours de laquelle va être activé l’écheveau compliqué des relations universitaires, un temps de négociations informelles, orales, le plus souvent par téléphone, on pressent de possibles membres de jurys, et auparavant ou en même temps des rapporteurs de pré-soutenance.

Les deux rapporteurs seront éventuellement membres du jury mais pas obligatoirement, cette différence peut produire des contenus très différenciés.

A consulter ces pré-rapports, qui supposent une lecture de la thèse, on est frappé par leur caractère extrêmement stéréotypé, ce document vient dire que la thèse présente tous les signes apparents d’une thèse : présence d’hypothèses, de problématique, bibliographie, références. Il vérifie l’adéquation de la recherche à un ou plusieurs champs et les apports qu’elle représente, il évalue son originalité.

Ce rapport même descriptif doit cependant être évaluatif, porter un jugement de valeur. A cette étape le pré-rapporteur se borne le plus souvent à un avis de forme, les appréciations de fond restent quant à elles peu explicitées.

Ce caractère descriptif et laconique s’explique par le fait, qu’à ce stade la thèse n’a le plus souvent fait l’objet que d’une lecture rapide, en diagonale. Un œil exercé peut rapidement détecter la présence au moins apparente des signes de la scientificité.

Il existe cependant des rapports nettement plus fournis quantitativement et qualitativement notamment lorsque le rapporteur ne fera pas partie du jury, n’aura pas la possibilité de s’exprimer et devra néanmoins rendre compte de sa lecture. Il ira alors jusqu’à aborder les apports et les limites du travail présenté.

Le rapport de pré-soutenance peut dans le meilleur des cas se vouloir constructif et suggérer au candidat des pistes de travail pour la soutenance.

Le rapport de pré soutenance est-il donc toujours uniformément laudatif ? Non affirment certains qui disent avoir rédigé des pré-rapports négatifs et dissuasifs, mais ces documents n’ont pas été officialisés, un échange téléphonique avec le directeur aura suffi pour suggérer au candidat de mieux se préparer... Le recours à des lecteurs extérieurs peut même être apprécié pour dénouer une relation trop impliquée avec le candidat interdisant une évaluation par trop cruelle.

Le rapport de pré-soutenance et plus encore le rapport de soutenance dont va traiter Dominique Maingueneau mettent en jeu des " pratiques " qui peuvent faire figure d’ethnométhodes inventées en situation par un ensemble de collègues en l’absence de cadre juridique contraignant.

Claudine Dardy
Université de Paris XII (Créteil)

 

Le rapport de thèse
par Dominique Maingueneau
Université Paris XII (Créteil)

 

Inséparable d’une communauté restreinte, étroitement lié aux usages, aux traditions de chaque discipline, le rapport de soutenance de thèse peut connaître des variations considérables. C’est pourquoi, je ne considère ici que les rapports rédigés pour les thèses de lettres et sciences humaines ou sociales soutenues en France. Dans les disciplines scientifiques " dures ", les rapports obéissent à une toute autre économie. Je les considère en outre d’un point de vue d’analyse du discours, non en sociologue, même si, bien entendu, les deux disciplines sont étroitement liées, la dimension du " discours " étant de plus en plus présente dans la réflexion des sciences sociales.

Je rappelle que le point de vue spécifique de l’analyse du discours, parmi les diverses disciplines qui ont à traiter du discours, est de porter son attention sur l'intrication entre un usage de la parole et un lieu social. Son objet n'est en effet ni l'organisation textuelle considérée en elle-même, ni la situation de communication, mais leur articulation à travers un mode d’énonciation. Sa visée consiste à ne pas penser les lieux indépendamment des genres d’énonciations qu'ils rendent possibles et qui les rendent possibles. L'analyste du discours peut prendre pour base de travail un genre de discours (une consultation médicale, un cours de langue, un débat politique...) aussi bien qu'un secteur de l'espace social (un service d'hôpital, un café, un studio de télévision...) ou un champ discursif (politique, scientifique...). Mais il ne part d'un genre que pour l'inscrire dans ses lieux et ne délimite un lieu que pour considérer quel(s) genre(s) de discours lui sont associés.

Quelques caractéristiques du rapport de soutenance de thèse

Le rapport de soutenance (désormais RS), c’est d’abord une classe de textes identifiée par le cadre institutionnel qui le régit et lui donne sens. Aussi le RS correspond-il à ce qu’on appelle communément un genre de discours, un dispositif de communication socio-historiquement défini. Il relève de ces genres routiniers, qui résultent de la stabilisation relative de contraintes liées à une situation de communication déterminée : le journal quotidien, le boniment de camelot, la dissertation littéraire, la consultation médicale, etc. A leur sujet, on ne se demande pas vraiment qui les a inventés : c’est un système de normes qui s’est façonné à travers la pratique des agents. Les scripteurs de RS n’ont pas suivi de formation spécifique, ils n’imitent pas un modèle canonique, mais procèdent par variation sur un ensemble de règles tacites. La maîtrise de ces règles de production - et d’interprétation- est acquise par imprégnation, elle fait partie de la compétence communicative des universitaires et des chercheurs. Le RS relève plus précisément d’une routine très ritualisée ; ce qui est logique, dès lors qu’il s’agit d’un genre qui a des conséquences juridiques fortes pour les membres de la collectivité concernée.

Le RS est en effet indissociable de " communautés discursives ", de groupes qui sont organisés autour de la production de certains types de textes. Les communautés à dominante scientifique sont productrices de genres de discours " fermés " (Maingueneau 1984, 1991), pour lesquels l’ensemble des producteurs et l’ensemble des récepteurs  tendent à coïncider, quantitativement et qualitativement ; situation caractéristique de la plupart des écrits académiques, dont le public est en fait le groupe de ceux qui écrivent des textes de mêmes genres.

Dans le cas du RS ce caractère " fermé " prend un tour particulier, puisqu’il s’agit d’un genre qui a pour fonction de conférer un droit d’entrée dans la communauté de ceux qui peuvent écrire ou lire de tels rapports. Réflexivité qui, en termes de discours, oblige les scripteurs à mettre en scène à travers leur propre énonciation les normes dont ils sont censés les garants, au nom desquelles ils évaluent la thèse du candidat. D’une certaine façon, ils doivent, par leur manière de dire, justifier la place qu’ils occupent, légitimer leur statut d’évaluateur.

Le RS mobilise un nombre considérable de formules stéréotypées, qui jouent un rôle essentiel dans ces genres de discours fermés ; elles permettent de marquer une appartenance à la communauté, elles servent de code de reconnaissance. En " reconnaissant " une structure connue, on peut " reconnaître " son scripteur comme membre de sa propre communauté. Qu’il s’agisse des formules de titre ou des formules de clôture, le rédacteur du RS, conscient que son texte a une valeur juridique, s’efforce de recourir à des formulations " canoniques ". Mais en l’absence d’un modèle unique et stable qu’il pourrait copier, il est amené à produire des variations sur un moule invariant, acquis par imprégnation.

Le RS se donne comme la représentation - ou plus précisément la narration- d’un autre genre de discours, oral celui-là : la soutenance elle-même. Mais il s’agit de deux genres très différents. Il faut souligner le contraste entre un genre foncièrement théâtral, et un genre fondé sur la distance prise par le récit d’un événement de parole qui efface toute adhérence au contexte de production, en particulier toute allusion à un public. L’un est une interaction orale ritualisée donnée en spectacle à un public, l’autre est un texte monologique d’ordre administratif qui est voué à demeurer, un " monument " donc au sens étymologique, destiné à des lecteurs qui ne sont pas censés avoir assisté à la soutenance et dont les motivations n’ont rien à voir avec celles des spectateurs. Lors de la soutenance, il est de l’intérêt des membres du jury de valoriser leur face positive aux dépens de celle du candidat : en faisant montre de leur aptitude critique, ils justifient la position qu’ils occupent ; mais dans le RS  il n’est pas de leur intérêt de faire de même : étant donné la densité et la complexité des liens entre les membres de la communauté académique et les systèmes d’échanges et de doubles contraintes que cela ne manque pas d’impliquer, l’inscription de critiques fortes sur un document officiel peut se retourner contre son auteur.

Je ne vais pas traiter l’ensemble des caractéristiques du RS, mais seulement souligner deux points significatifs : l’un concerne le statut de son " auteur ", l’autre le déchiffrement de ses implicites.

La question de l’auteur

Il n’est pas facile de répondre à la question : qui est l’auteur d’un RS ? Le texte est signé par tous les membres du jury, mais si tous les membres du jury signent, la responsabilité du verdict est collective, elle n’est pas décomposable. C’est la manifestation d’une structure énonciative banale dans les textes à valeur juridique : un texte censé émaner d’une collectivité (" l’Etat ", " le tribunal ", " la cour ", " la société X ", etc.) est signé par un individu, qui représente le groupe, ou par tous ses membres, mais le responsable du texte est le groupe.

Dans le cas du RS, le sujet collectif qui se présente comme son responsable n’est pas matériellement celui qui fabrique le rapport, c’est un des membres du jury, mandaté par ce même jury. Ce " scripteur " n’est pas véritablement anonyme puisque - à condition toutefois de connaître les règles tacites du genre de discours, qui sur ce point ne sont pas sans varier - le rôle qui lui est dévolu dans la composition du jury permet de l’identifier. Il est donc en quelque sorte ouvertement caché.

En fait, la situation est encore plus complexe : certes, l’ensemble des membres du jury signe l’ensemble du RS mais chacun pris individuellement est également responsable d’une seule partie de ce texte, celle qui rapporte sa propre intervention. La position auctoriale qui joue ainsi sur trois niveaux :

A un premier niveau, celui des parties du RS, chaque membre du jury n’est responsable que de son intervention ; il y intervient comme sujet évaluateur.

A un second niveau, celui du tout, le jury considéré comme indécomposable est responsable de l’ensemble du RS. Chacun est alors co-évaluateur.

A un troisième niveau ce texte est rédigé par un rédacteur individualisé, qui n’a pas un rôle d’évaluateur, mais un double rôle de narrateur de la soutenance et d’agenceur du texte (il recueille et ordonne les interventions, fait apposer les signatures, présente matériellement le texte, lui adjoint un paratexte, qui spécifie le statut pragmatique du RS et les circonstances de la soutenance).

" L’agenceur " organise le texte comme une unité matérielle conforme aux normes de l’institution, le " narrateur " transforme les interventions orales de la soutenance en étapes d’un récit. En effet, au lieu de seulement mentionner les paroles, il les enchâsse dans une succession d’actions : " M. X intervient alors et déclare que… ", " Mme Y intervient pour souligner… ". En fait, aujourd’hui ce rôle n’est pas nécessairement tenu par le seul " rédacteur ", mais le plus souvent est réparti entre les différents membres du jury, qui sont donc en même temps co-narrateurs de leur propre intervention. La production du RS, on l’a dit, est en effet passée par deux phases successives :

La situation traditionnelle était celle d’un rédacteur unique qui synthétisait l’ensemble des interventions dans un rapport qu’il montrait ensuite aux autres membres du jury et qu’il leur faisait signer. Dans ce cas le texte était, en général, homogène (sans espace blanc ni variété de police ou de taille de caractère).

Par la suite le rédacteur s’est contenté d’être un simple " collationneur ", qui juxtapose, dans l’ordre de la soutenance, les interventions rédigées par les divers membres du jury (y compris la sienne propre) et leur fait signer le tout. Cette simplification n’est possible que si les membres du jury acceptent de rédiger leur intervention à la 3° personne, prêtes à être insérées dans le texte du RS. Plus exactement, ce procédé connaît deux variantes, qui peuvent se combiner dans le même rapport. Dans la première, la plus ancienne, on juxtapose les différentes contributions, le tout étant ensuite photocopié. Sur le plan matériel cela produit en général des textes matériellement hétérogènes dans leur police, la netteté de l’encre, leur justification. Dans la seconde, qui est en train de s’imposer, les intervenants rédigent sur traitement de texte leur contribution à la 3° personne (" Le professeur X estime que ce travail… ") ; le rédacteur est alors cantonné dans le rôle d’ " agenceur " sur ordinateur. Le résultat est un texte homogénéisé dans sa présentation.

Le fait que chaque membre du jury rédige sa propre intervention en se nommant à la 3° personne n’est pas sans effet sur le ton et le contenu des interventions. Comme il n’y a plus de véritable rédacteur, responsable unique de la narration et de l’agencement, chacun, selon les principes de coordination d’actions, rédige dans l’ignorance des rédactions des autres membres du jury. De ce fait, il a tendance à chercher à coïncider avec les routines d’écriture prescrites par le genre, à neutraliser sa singularité énonciative pour produire un texte lisse, qui puisse commodément s’ajuster avec celui des autres. Les co-narrateurs se conforment en général à l’ethos distancié imposé par le genre, ils recourent rarement à une mise en scène de la parole qui multiplie les formes d’oralité.

Cela renforce une tendance de fond dans la rédaction des RS : on y formule de moins en moins d’évaluations négatives explicites, ce qui exige du lecteur un art de lire les éventuelles critiques " entre les lignes ". Ici intervient un jeu de " savoir mutuel " familier aux pragmaticiens : X sait que Y connaît les règles, Y sait que X connaît les règles, X sait que Y sait que X connaît les règles, et ainsi de suite à l’infini. Sachant l’importance du RS dans une carrière, chaque rédacteur sait aussi que les personnes intéressées à ce RS (essentiellement le directeur et le candidat, mais aussi les groupes auxquels ils appartiennent) savent qu’il connaît l’importance de sa contribution, si bien qu’il sait que son évaluation de la thèse sera elle-même évaluée par d’autres membres de la communauté et qu’une évaluation exagérément négative (eu égard à des normes implicites du milieu) peut se retourner contre lui. Ainsi, l’évaluation négative de la part d’un membre du jury menace la face positive du candidat et de son directeur, mais menace aussi la face positive de l’évaluateur. La logique d’un tel système est que l’on tende vers une neutralisation des évaluations, de façon à créer le minimum d’asymétries dans le système d’échanges. Les membres du jury sont donc perpétuellement partagés entre la tendance à symétriser les transactions pour se faire un minimum d'ennemis, et le souci de se mettre en règle avec les normes transcendantes de l’institution qui exigent de lui qu’il juge en son âme et conscience. Et là encore il y a menace sur la face positive du membre du jury : une intervention trop complaisante risque de nuire à son image. Il se produit donc une négociation délicate entre la légitimation que confère la bonne intégration dans l’institution et la légitimation par les normes qui donnent sa raison d’être à cette institution.

Une lecture herméneutique

Le RS, du point de vue de l’interprétation, présente une caractéristique essentielle : il se lit " entre les lignes ", ce qui est une modalité de son caractère de genre de discours fermé. La relation spéculaire entre scripteurs et lecteurs rend possible une lecture à deux niveaux : les membres de la communauté universitaire sont censés partager un certain nombre de signaux dont l’identification déclenche des implicites.

Supposons qu’on lise dans une intervention : " X est un chercheur méticuleux dont le travail se signale par son sérieux ". Au niveau littéral, celui des usagers de la langue qui ne participent pas du monde universitaire, il s’agit là d’un compliment. Mais il est vraisemblable que le lecteur averti, le " bon entendeur ", interprétera cet énoncé comme signifiant que le doctorant est un tâcheron besogneux qui n’a pas l’étoffe d’un véritable chercheur. Ce n’est cependant là qu’un exemple artificiel car dans la réalité l’interprétation favorable/défavorable ne se construit pas de manière atomiste, à partir d’un énoncé isolé, mais par une convergence d’indices qui sont pondérés dans un calcul aux résultats foncièrement instables. Un compliment bref venant après une longue série de reproches graves n’aura pas la même valeur que ce même compliment venant après une série d’éloges dithyrambiques. Le mouvement argumentatif local a aussi une importance décisive. Comparons ainsi deux contextualisations distinctes de notre exemple :

" X est un chercheur méticuleux dont le travail se signale par son sérieux. Mais c’est aussi un chercheur audacieux qui ouvre des pistes nouvelles ".

" X est un chercheur méticuleux dont le travail se signale par son sérieux. Il a patiemment relevé toutes les occurrences et dressé des tableaux qui synthétisent certains aspects des documents ".

En (1) le scripteur s’appuie sur le topos " plus on est sérieux, moins on est imaginatif " pour le renverser au profit du candidat, annulant ainsi le topos contraire, négatif dans les disciplines empiriques : " plus on est imaginatif, moins on est sérieux " ; c’est donc un éloge évident. Par contre, en (2) le second énoncé opte pour la continuité, il confirme rétroactivement l’énoncé précédent dans son statut négatif en l’étayant par un exemple.

Comparons à présent quatre formules conclusives attestées dans notre corpus :

(a) " Après une courte délibération, les membres du jury s’accordent pour attribuer la mention " Très honorable ". Elle leur paraît bien correspondre à l’appréciation portée sur le doctorant : un chercheur dont le potentiel est évident, capable de proposer et d’élaborer une " thèse " (au sens plein du mot), dans un domaine où il a commencé à marquer sa place. Il manque un effort de conceptualisation et de modélisation que l’on sent tout à fait à la portée du doctorant ".

(b) " Après délibération, le jury décerne à X le titre de docteur en N avec la mention très honorable ".

Entre (a) et (b) il me semble qu’il y a une nette différence dans l’appréciation, bien que les deux candidats aient reçu une mention identique. En (a) le long commentaire qui accompagne la mention fonctionne comme signal que la thèse est de très mauvaise qualité, de même que la présence de l’adjectif " court " et de " s’accordent à… ", deux indices qui laissent entendre que personne n’a défendu le candidat. Les commentaires aussi précis de la mention sont chose rare et c’est cette rareté même qui permet en (a) de dériver un sous-entendu. Le plus souvent, le sous-entendu est une sorte d’inférence globale, qui porte sur l’ensemble du RS, et non sur tel ou tel énoncé, même restitué dans son contexte linguistique. Quand on lit une formule conclusive comme (b), on ne peut pas en inférer un implicite déterminé, ce n’est qu’un indice parmi bien d’autres qui permet à un lecteur d’inférer une proposition comme : " La thèse de X est inintéressante/ sans originalité/honnête… ".

Ici -et c’est pour cela précisément que le RS est un genre à lecture herméneutique- ce ne sont pas les maximes conversationnelles attachées à l’exercice ordinaire du discours qui sont à l’œuvre. Il s’agit plutôt d’un code local où des phénomènes textuels d’ordres très divers peuvent fonctionner comme signaux adressés au lecteur pour lui signifier qu’il doit dériver des interprétations non-littérales qui viennent s’ajouter (et non se substituer) à l’interprétation littérale. Il peut se faire que cette pratique herméneutique soit liée à une compétence discursive non spécialisée, accessible à toute personne qui maîtrise certaines aptitudes sociales. Il pourrait se faire aussi que ce soit une compétence propre aux universitaires, quelle que soit leur discipline. Il est vraisemblable que, dans des proportions qu’il est difficile d’évaluer a priori, certains implicites soient accessibles à tout le monde, d’autres aux seuls universitaires, d’autres aux seuls membres d’une discipline ou de disciplines voisines.

J’aimerais ici finir sur une question qui touche à l’anthropologie et qui constitue pour moi une " vraie question ". Pourquoi l’évaluation de la thèse de doctorat se présente-t-elle comme la narration d’une soutenance orale ? Ne serait-il pas plus simple que chaque évaluateur exprime directement son point de vue, sans se mettre lui-même en scène à la 3° personne ? Il existe d’ailleurs un nombre non négligeable de membres de jurys qui rédigent à l’avance leur rapport, qu’ils oralisent à la 1° personne lors de la soutenance. Pourquoi maintenir ainsi ce lien de subordination essentielle entre l’évaluation de la thèse et le rituel de la soutenance, préserver l’oralité vivante d’une subjectivité en présence d’autres subjectivités ? Une interprétation quelque peu cynique consisterait à affirmer que les membres des communautés discursives scientifiques sont obligés de dénier le fait qu’ils ne s’expriment pas seulement dans un espace où chacun, armé des seules normes du Vrai, exprimerait son jugement en son âme et conscience, mais aussi sur un vaste échiquier où évoluent des figures de différents statuts pris dans des rapports de force, où l’évaluation est aussi une stratégie. Mais il existe certainement d’autres lectures de ce phénomène, plus ou moins compatibles avec celle-ci.

Cet abord de quelques-unes unes de nos pratiques à propos de la thèse, semble pris au stade de l’interprétation dans une voie étroite, coincée entre une autocritique dévastatrice, ou une légitimation par trop exacerbée, en fait il ne convient ni d’être optimiste ni d’être pessimiste, on a aussi là un ensemble de faits, de pratiques qui font figures d’ethnométhodes inventées par un ensemble de collègues en l’absence de cadre juridique contraignant, assorties d’un questionnement, d’une mise en auto observation, la preuve.

Dominique Maingueneau
Université Paris XII (Créteil)

 

Claudine Dardy, Dominique Ducart, Dominique Maingueneau, Un genre universitaire : le rapport de soutenance de thèse. Presses universitaires du Septentrion, 2002.

 

Les pratiques d'évaluation du CNU
par Philippe Cibois
Vice-président de la 19e section
(Sociologie-Démographie)

 

Il s'agit ici, en regardant la matérialité des processus, de mettre à jour les pratiques du CNU, c'est à dire concrètement, comment fait le CNU pour évaluer un candidat à la qualification, que ce soit pour devenir MCF ou PR.

Comment examiner 900 dossiers ?

Prenons l'exemple de la session de janvier 2002 : il y a eu 390 candidats qui ont envoyé leur dossier de MCF, 57 de professeur. Comme chaque dossier est examiné par deux rapporteurs cela fait 894 dossiers répartis entre les 36 membres du CNU soit près de 25 dossiers par rapporteur qui ont été examinés durant le mois de janvier.

Chaque membre du CNU a donc en moyenne pendant un mois un dossier par jour à examiner : il prépare son rapport écrit dans lequel il argumente son avis soit favorable, soit défavorable, soit réservé (c'est à dire hésitant). Ces dossiers sont ensuite examinés pendant la session annuelle de qualification (début février) qui dure cinq jours : quatre pour les MCF en session plénière, un pour les Pr par le collège A.

Pour les MCF cela fait en moyenne près d'une centaine de dossiers à traiter par jour, soit environ 5mn par dossier : comment est-ce possible sans remettre en cause le sérieux de l'évaluation ? La procédure est la suivante : on repère au préalable tous les dossiers sur lesquels il y a accord de deux rapporteurs indépendants qui ont examiné les dossiers d'un œil neuf (un dossier n'est jamais donné à un même rapporteur deux années de suite ; aucun rapporteur ne peut avoir été dans un jury de thèse du candidat et ne doit pas être dans la même université ou le même laboratoire).

On utilise donc les avis des rapporteurs : si les deux sont du même avis, l'un d'entre eux expose ses raisons que l'autre confirme, puis l'assemblée vote. Lors de la dernière session (2002) l'avis des rapporteurs unanimes a toujours été suivi, que ce soit en positif ou en négatif. Les accords positifs représentaient 39% des cas, les accords négatifs 25%. Il reste donc 35% des cas où il y a divergence entre les rapporteurs (ou hésitation dans un sens favorable ou défavorable) et, du fait que la procédure peut être rapide dans les cas d'accords, ce sont ces dossiers qui sont discutés en prenant autant de temps que nécessaire.

Ces cas représentent un tiers des dossiers. Ceci donne les résultats suivants : on observe que le jugement final est négatif dans 60% des cas, positif dans 40%. Je risque l'interprétation que, en cas d'hésitation, le doute bénéficie moins au candidat qu'à la discipline. En effet le but de la procédure est de proposer aux Commissions de spécialistes suffisamment de candidats de valeur pour qu'elles puissent recruter dans toutes les spécialités de la discipline. Comme les candidats ne manquent pas, il est normal qu'en cas d'hésitation, on ne prenne pas collectivement le risque de proposer des candidats médiocres.

Au final, 51% des candidats ont été qualifiés contre 49% qui ne l'ont pas été.

Quels sont les critères de qualification ?

Beaucoup de candidats pensent que la mention de la thèse a une grande importance : une statistique avait été faite lors de la session 1999 qui montrait que sur 100 dossiers de MCF proposés, 30% avaient la mention Très honorable et 70% la mention Très honorable avec félicitations. On voit là l'effet de ce que Jean-Pierre Terrail avait déjà stigmatisé en 1995 sous le titre "les félicitations et leur inflation" (dans la lettre 18 de l'ASES) phénomène qui fait que si au plan collectif, tout le monde regrette cette inflation, au plan individuel, beaucoup y succombent. On rencontre ce paradoxe de docteurs ayant eu les félicitations à l'unanimité avec de nombreuses réserves apparaissant dans le rapport de soutenance.

Quel est l'effet des félicitations : 4 fois sur 10, le titulaire d'une mention très honorable est qualifié, tandis que l'est 7 fois sur 10 celui qui dispose des félicitations. L'effet est notable mais non discriminant : les chances (Odds) sont multipliées par 3,5.

Il est intéressant de se pencher sur les motifs de refus qui sont beaucoup plus révélateurs sur les critères de sélection. Une statistique avait été faite en 2000 (et publiée dans la Lettre de l'ASES). Par ordre d'importance décroissante, on a les motifs de refus suivants :

23% : orientation sociologique absente ou trop peu marquée

20% : dossiers relevant d'autres disciplines (l'ethnologie contribuant pour 4% dans cette catégorie, suivie par les sciences de l'éducation 3%, la science politique 2% puis le reste se répartissant entre l'économie, la philosophie, la géographie, la sémiotique, la linguistique, le droit, l'architecture, l'aménagement, les STAPS)

20% : absence ou insuffisance de publications en sociologie (ce critère n'existe pas quand la thèse vient d'être soutenue)

12% : absence ou insuffisance d'enseignement en sociologie

Autres motifs rencontrés dans moins de 10% des cas de refus : qualité scientifique du dossier insuffisante, thèse faible ou controversée, dossier mal présenté ou insuffisamment explicite, rapport de soutenance comportant des réserves graves, évolution insuffisante du dossier depuis les dernières sessions du CNU.

On peut dire que les quatre premiers motifs, les plus fréquents, sont absents quand un doctorant a été intégré pendant sa thèse dans une véritable équipe de sociologie et/ou a eu un jury bien constitué et que d'autre part, il a assuré des enseignements, dans son département d'origine ou dans un autre. Ce que cherche à repérer le CNU, ce n'est pas le chercheur dont la thèse va révolutionner la discipline, mais des personnes qui du fait qu'elles sont suffisamment bien intégrées dans la sociologie par leur pratique d'enseignement et de recherche, sauront dispenser un enseignement cohérent avec l'état des savoirs et faire des recherches (puis en diriger) qui feront progresser la connaissance sociologique.

Tribune libre.

Relancer le débat sur les chargés de cours

Par Sylvia Girel, ATER, IUP " Métiers des arts et de la culture ",
Université Lumière, Lyon

sylvia.girel@wanadoo.fr

Lors des dernières rencontres de l’ASES, sur le thème de " la thèse ", il a été question du statut des doctorants et jeunes docteurs, de la difficulté pour les premiers de financer leur thèse et de la difficulté pour les seconds d’obtenir un emploi de chercheur et/ou de maître de conférences. Face à ces difficultés et en dehors des financements de type allocations de recherche, contrats cifre, post-doc, postes d’ATER, etc., les enquêtes réalisées montrent que nombreux sont ceux qui ont recours à des activités professionnelles diversifiées, parmi lesquelles, il en est une qui se révèle particulièrement appropriée aussi bien pour les doctorants que pour les " récemment docteurs " : ce sont les charges de cours à l’université. Pour avoir été chargée de cours à plusieurs reprises au cours de ma thèse et depuis que je l’ai obtenue, je trouve cette activité très formatrice : le travail de préparation des cours et de transmission des connaissances permet de prendre du recul par rapport à ses propres connaissances et acquis, de les optimiser ; par ailleurs c’est une manière d’expérimenter le métier d’enseignant, de voir si on en a les compétences ; enfin, ne constituant pas un emploi à part entière les charges de cours ne gênent pas la poursuite de la thèse et permettent à ceux qui l’ont obtenue de se préserver du temps pour la recherche et les concours, tout en gardant " un pied " à l’université.

Les charges de cours semblent donc une opportunité bien adaptée pour que les doctorants et ceux récemment docteurs obtiennent des moyens financiers et, mettent à profit le laps de temps qui les sépare de l’obtention d’un poste, à se former et à accumuler des expériences. Pourtant concrètement ce sont des situations bien paradoxales qui émergent. Les trois exemples qui suivent, issus de témoignages, illustrent ces situations :

A l’issue de son contrat d’ATER dans un IUT, un doctorant âgé de 29 ans qui achève sa thèse s’est inscrit comme demandeur d’emploi. Resté en contact avec ses collègues, ces derniers lui proposent une charge de cours d’environ 130 heures ; il se renseigne auprès du service du personnel et parce qu’il est doctorant de plus de 28 ans, d’autre part parce qu’il est inscrit à l’ANPE, il se voit dans l’obligation de refuser cette charge de cours, son statut ne lui permettant pas d’être rémunéré.

Un docteur en sociologie, qualifié en section 19, poursuit l’objectif d’obtenir un poste d’enseignant-chercheur via les concours de recrutement, dans cette attente il diversifie ses activités professionnelles (formation, contrat de recherche, etc.). On lui propose d’effectuer des charges de cours à l’université en sociologie (discipline pour laquelle il est qualifié par le CNU), après renseignements pris, lui non plus ne peut les accepter parce qu’il ne peut justifier de plus de 1000 heures par an et/ou parce qu’il ne peut fournir des fiches de payes et une autorisation de cumul émanant d’un employeur principal, il en a plusieurs, publics et privés.

Un autre, avec le même profil que ci-dessus, docteur et qualifié, mais demandeur d’emploi et inscrit à l’ANPE, n’a pu non plus accepter les heures qu’on lui proposait, là encore à cause de son statut..

En résumé, pour être chargé de cours à l’université, être doctorant, docteur ou même qualifié aux fonctions de maître de conférences, ne suffit pas ; pour pouvoir être rémunéré il faut : être inscrit en 3ème cycle et âgé de moins de 28 ans ; ou alors avoir une activité professionnelle principale (direction d’une entreprise ; activité salariée d’au moins mille heures par an ; activité non salariée mais être assujetti à la taxe professionnelle ou avoir retiré de sa profession des moyens d’existence réguliers depuis au moins 3 ans).

Ces deux critères sont très restrictifs, ils permettent effectivement d’éviter les problèmes rencontrés dans les années 1975 qui ont conduit à l’intégration des hors-statuts, mais dans un même temps ils contraignent de nombreux doctorants et d’autres " récemment docteurs " à refuser les heures qu’on leur propose faute de pouvoir être payés, alors même q’ils ont le profil et les compétences pour les effectuer. On pourrait légitimer la première condition, relative à la limite d’âge, parce qu’elle permet un renouvellement et favorise les plus jeunes, mais les chiffres montrent que la moyenne d’âge d’un doctorant en sociologie est de 29 ans (lettre de l’ASES n° 31, juin 2002), et plus généralement dans les sciences humaines il est rare de finir sa thèse à 28 ans : en 1998 l’âge médian des docteurs au moment de la soutenance est de 35,4 ans. Par ailleurs, Salvatore Maugeri montre dans l’enquête sur les doctorants (Lettre de l’ASES n° 31, juin 2002) que le nombre d’entre eux ayant une activité de chargé de cours a baissé en 2002, il pose la question suivante : " Doit-on en conclure qu’avec les années le nombre de doctorants bénéficiant d’un "vrai statut" a augmenté ? ". Une autre hypothèse peut être avancée, liée à l’application des textes et au fait que les procédures de recrutement des chargés de cours sont devenues beaucoup plus strictes et le paiement des cours complémentaires soumis à un contrôle très rigoureux. Pour ce qui est de l’autre condition, être un professionnel exerçant plus de 1000 heures, on observe que cela restreint aussi les intervenants possibles, qui peuvent être exemplaires en terme de compétences et " inemployables " en terme de statut : à titre d’exemple un professionnel, pour une part journaliste indépendant, pour une autre correcteur pour différentes maisons d’édition, est intervenu dans un IUP pour des charges de cours sur le thème de l’édition et de la typographie (son domaine de compétences), il a du se faire payer les heures effectuées par un " prête-nom ", lui-même ne pouvant fournir des fiches de paye et ne pouvant justifier par un document officiel des 1000 heures de travail par an. Le problème se pose pour toutes les UFR et par exemple celles d’arts plastiques : les professionnels invités à intervenir étant souvent des artistes dont les situations professionnelles ne correspondent pas non plus aux critères requis.

Paradoxalement ce sont ceux qui travaillent à temps-plein (en dehors ou au sein de l’université) et les étudiants-doctorants de moins 28 ans qui peuvent effectuer les cours complémentaires alors que ceux qui travaillent moins et ceux qui sont à la recherche d’un emploi ne peuvent accepter des heures de chargés de cours, pour des questions de statuts et non de compétences, ou alors quand ils les acceptent le système les oblige " à jongler avec des pratiques qui relèvent parfois du bricolage prête-nom, faux contrats de travail, fausses fiches de paye… Cela les place dans une situation d’illégalité (…) La question de la redistribution et du sens même de ces vacataires se pose. Comment les faire fonctionner de manière démocratique ? " (Lettre de l’ASES n° 24, janvier 1998, compte rendu de Laurence Costes).

Ces paradoxes renvoient à la question des " hors-statuts " et des statuts précaires déjà abordée dans le cadre de l’ASES (la rencontre publique de septembre 1997 sur le thème : " Chargés de cours, Ater, moniteurs, doctorants, etc. Quelle politique pour les statuts précaires ? " et la Lettre de l’ASES n° 24, janvier 1998, ont engagé un débat et établi un ensemble de propositions), et renvoient plus frontalement à la question de la professionnalisation des doctorants et docteurs en sociologie. Des collectifs se sont constitués autour de ce problème, par exemple à Lyon 2 où ont été organisées des rencontres et élaborées un certain nombre de propositions applicables à l’échelle locale et nationale (par exemple : régularisation plus rapide et rapprochée du paiement des vacations) ; création d’un statut particulier de type salarié en contrat à durée déterminée avec une université de rattachement et un nombre d’heures défini à accomplir, etc.).

Par cette intervention je souhaite soumettre de nouveau ce problème au débat à l’occasion de l’une des prochaines rencontres de l’ASES, et sur la base des actions et propositions déjà amorcées (par l’ASES et les autres collectifs) relancer la discussion et essayer de faire aboutir les propositions. Si cela n’existe déjà, un groupe de réflexion pourrait se constituer et se réunir autour de ce problème ; en terme d’enquête un appel à témoignage pourrait être lancé afin de recueillir les points de vue d’anciens vacataires et de vacataires actuels (données qualitatives), parallèlement une collecte d’informations pourrait être lancée auprès des UFR de sociologie concernant le nombre de vacataires, la diversité des statuts, le nombre d’heures complémentaires enseignées en volume global et par chaque vacataire, etc. (données quantitatives) ; les objectifs étant de dresser un état de la question, de décrire les différentes situations afin de montrer les paradoxes et d’améliorer la situation des chargés de cours, ces " intermittents de la sociologie ".

Sylvia Girel

Vie de l'ASES

Compte rendu de la réunion de l'ASES sur les politiques d'édition du 30 septembre 2000

 

 

Quelles politiques d’édition ?
Régine bercot

Trois représentants de collection participaient au débat : Dominique Desjeux pour les PUF, Bruno Péquignot pour la collection Logiques Sociales à l’Harmattan, François de Singly, pour la collection Essais & Recherches de Nathan. Ces trois participants sont aussi des collègues qui siègent dans différentes instances ce qui nous a permis d’avoir un débat tenant compte des préoccupations des collègues. L’objectif de ce débat était d’acquérir une meilleure lisibilité et compréhension des activités des différentes collections. Les intervenants ont orienté leurs propos sur les logiques des éditeurs, leurs objectifs leurs contraintes, leurs choix. Ce compte rendu restitue dans un premier temps les grandes lignes de contraintes que les éditeurs ont à gérer puis précise les conditions spécifiques retracés par les directeurs qui sont intervenus.

Dominique Desjeux a rappelé que les contraintes pour un éditeur tiennent à ce qu'on appelle le "point mort", le nombre d'exemplaires vendus qui permet de franchir le seuil de rentabilité.

Avant d'avoir atteint le point mort, l'éditeur perd de l'argent. L'apparition du "prêt-à-clicher" en 1987 chez l'Harmattan, où Dominique Desjeux a dirigé des collections pendant 20 ans, a permis de ramener le point mort à 600 exemplaires. Aujourd’hui, il est de 300. Dans le domaine de la recherche, les ouvrages se vendent souvent sur une dizaine d'années. En terme cumulé, on arrive donc à des ventes de plusieurs centaines, voire de plusieurs milliers d'exemplaires, ce que les éditeurs d’ouvrages moins pointus doivent obtenir en un an. Le point mort pour les PUF est à 1000 exemplaires, pour Nathan (collection Essais & Recherches) à 1500. Nathan et les PUF doivent donc vendre plus d’ouvrages que L’Harmattan pour atteindre leur point mort.

Ce seuil de rentabilité dépend notamment des conditions de production de l’ouvrage et des frais qui entourent la publication, la diffusion et la distribution de chaque livre. Les manières de fabriquer sont très différentes entre les éditeurs. Ainsi, l’Harmattan fabrique par photo avec des prêts à clicher qu’apporte l’auteur et qui sont révisés par le service de fabrication. Ceci réduit considérablement le coût et abaisse le seuil de rentabilité. Certaines couvertures sont plus coûteuses, comme celles en couleur.

Dans les frais liés à la fabrication d’un ouvrage, la traduction est très coûteuse. Elle double le coût et souvent la marché est 30 à 40% moins élevé que pour un livre français. Cela conduit souvent l’éditeur à refuser la publication d’ouvrages y compris des ouvrages de valeur et d’auteurs connus. Le marché de restera le plus souvent celui du monde des spécialistes qui est relativement étroit. Les ventes attendues ne permettent donc pas d’atteindre le seuil de rentabilité.

Le volume des ventes est lié au type d’ouvrage publié ; on se situe souvent sur un marché restreint de spécialistes. L’ouvrage de sociologie répond parfois à des normes académiques, qui le rendent parfois peu lisibles pour un large public. Ceci conduit donc à un tirage de départ limité mais qui n’est pas du même ordre selon les éditeurs.

Les éditeurs ne demandent pas automatiquement d’aide à la publication, mais c’est une pratique fréquente et souvent considérée comme honteuse alors qu’elle est une des conditions de survie des livres de recherche. Quand le point mort dépasse 1000 exemplaires, il faut plus souvent une aide à l’édition que quand le point mort est à 300 ou 400. Cette aide peut être faite sous forme de subvention institutionnelle ou d’achats de 50 à 100 exemplaires par l’auteur.

François de Singly : pour la collection Essais & Recherches l'exigence de l'éditeur (Nathan) est que 1500 exemplaires au moins soient vendus la première année.

Ce chiffre est une moyenne indicative entre plusieurs titres : par exemple un ouvrage récent comme Voyage en bourgeoise, aux PUF, s'est vendu à 5000 exemplaires en trois ans, mais un classique comme le paysan polonais, chez Nathan, ne se vend qu'à 200 exemplaires par an.

Dominique Desjeux reçoit environ 60 manuscrits par an et en édite trois par an dans sa collection aux PUF. Un titre s’est vendus à 5000 exemplaires, celui des Pinçon, et les autres à 500 exemplaires en moyenne, avec un cas à 200 et un autre à 800.

François de Singly prend des thèses à condition qu'elles soient réécrites ; de toute façon le travail avec l'auteur est très important. Il lui arrive de publier des traductions, si elles sont déjà faites car autrement il n'aurait pas le financement nécessaire. Pour la collection 128, les titres de méthodologie peuvent tirer à 4000 par an et les autres, selon les domaines, à 2000 par an. Le travail est plus collectif en ce sens qu'il y a un effet de collection, l'auteur y est moins perçu que la collection.

Bruno Péquignot : pour la collection Logiques sociales à l'Harmattan, reçoit environ 350 manuscrits par an dont il refuse les 4/5e (y compris les 50 manuscrits émanant de gens visiblement dérangés). Le critère de choix se fait en regardant ce que le manuscrit apporte de nouvelle problématique car le problème du tirage envisagé ne se pose pas. En effet il s'agit toujours de petits tirages (300 à 500), ce qui évite de devoir mettre des ouvrages au pilon. L'ouvrage reste toujours au catalogue : quand le stock descend à 20 exemplaires, 100 sont retirés. Ceci est possible grâce à des économies de fabrication : on demande un "prêt-à-clicher" à l'auteur dont le travail est vérifié du point de vue de la présentation (et de l'orthographe sur un échantillon de pages). Autre source d'économie : on ne donne pas de droits d'auteurs (si on le faisait, on ne pourrait pas publier).

Cette technique permet d'envisager un public différent de celui des autres éditeurs : il devient aussi possible de rééditer des ouvrages qui ne le seraient pas chez leur éditeur d'origine (à condition que celui-ci soit consentant).

Dans les livres publiés, 35% sont issus de thèses. Dans ce cas Bruno Péquignot demande le rapport de soutenance et propose de supprimer ce qui correspond à la "lecture" des auteurs du champ. Il ne s'agit pas d'une refonte complète mais d'une réécriture et cela demande en général de 1 an et 1/2 à deux ans entre le premier contact et la sortie du livre.

Il existe d'autres collections à l'Harmattan (par exemple "champs visuels") mais l'éditeur lui-même (Denis Pryen) accepte parfois des thèses qu'il publie en l'état en pensant qu'il faut tout sauver. Il demande alors l'achat d'une cinquantaine d'exemplaires, ce qui n'est pas le cas pour Logiques sociales.

Dominique Desjeux édite aux PUF trois livres par an : il est lié à l'éditeur par un contrat de trois ans. Il recherche une certaine diversité d'auteurs (jeunes /vieux, homme/femme) et demande une écriture plutôt "inductive ", c'est à dire partant du concret, d'une "histoire" afin que le théorique n'arrive qu'après et qu'il soit confronté ensuite à la réalité empirique. Les PUF, pour sa collection " Sciences Sociales et Société ", donnent des droits d'auteur au-delà du nombre des ventes permettant de franchir le passage du point mort, soit après 1000 exemplaires.

La relation directeur de collection / auteur :

Les éditeurs ne reçoivent pas non plus le même nombre de manuscrits, ce qui révèle les choix, voire aussi l’autocensure qu’effectuent les auteurs qui estiment leurs chances d’être publié ou non dans telle ou telle collection.

Les récits de cette relation montre la diversité de comportement des auteurs. Il peut arriver qu’un directeur de collection sollicite un auteur, pour la publication d’un travail, par exemple une thèse. Mais l’auteur, s’il s’agit d’une thèse par exemple, devra réécrire en partie la thèse pour qu’elle puisse se transformer en ouvrage. Cette publication de thèse est notamment le fait de L’Harmattan. Il faut compter un long délai, deux ans environ, entre la thèse et sa réécriture : il s’agit de gommer les parties trop longuement descriptives des théories. A propos de cet exemple, les intervenants ont insisté sur la différence de critère entre le jugement en jury de thèse et le jugement au moment de la publication. Ainsi une partie de la thèse peu appréciée du jury parce que mal maîtrisée peut faire l’objet de la curiosité et de l’intérêt de l’éditeur !

On a pu constater tout au long de la discussion que les critères de reconnaissance par les instances déterminant la carrière de l’enseignant chercheur et les critères mis en avant par les éditeurs pour décider d’une publication sont sensiblement différents et ceci quels que soient les éditeurs et les collections.

Compte-rendu du Conseil d’Administration du 12 octobre 2002

 

 

Présents : Régine Bercot, Philippe Cibois, Mario Correia, Francis Farrugia, Suzie Guth, Salvatore Maugeri, Patrick Trabal

Excusés : Claude Dubar, Michèle Dion, Daniel Filâtre, Charles Gadéa, Monique Legrand, Frédéric Neyrat, Nicole Roux

 

Evaluation de la séance du matin "rapport de soutenance et évaluation" :

Cette séance était le troisième volet d'une série consacrée à la thèse à la suite de l'affaire Teissier : la question se pose maintenant de savoir ce que nous voulons faire des réflexions et propositions faites pendant ces séances. Par exemple se pose le problème du texte de Claude Dubar "Pour un code de déontologie" (déjà publié dans la Lettre de l'ASES 31 de juin 2002). L'ASES doit-elle s'engager dans une prise de position de ce type ou une analogue ou doit-on considérer que la publication dans la Lettre est déjà une prise de position suffisante ?

La conclusion du CA est qu'une réflexion plus approfondie doit être faite en prenant le temps de discuter et en élargissant le CA comme nous l'avions fait en juin 2001, séance qui avait programmé les trois rencontres sur la thèse (faire une thèse janvier 02, encadrer une thèse mars 2002, évaluer une thèse octobre 2002). Le but de ce CA serait de proposer que l'ASES en tant que telle s'engage dans des prises de positions susceptibles à la fois de faire avancer les situations et en même temps d'être réalistes et acceptées par la majorité.

Si l'on veut que le compte-rendu de ce CA puisse être diffusée dans la prochaine lettre de l'ASES, il faudrait qu'il ait lieu suffisamment tôt. Le CA propose de choisir entre les deux dates suivantes : vendredi 22 novembre 14h ou vendredi 6 décembre 14H.

Séances à venir de janvier et mars 2003

Le programme des prochaines séances est bouleversé par l'actualité de l'échéance 3/5/8 Licence/Master/Doctorat. Une séance est prévue pour le 18 janvier 2003 au cours de laquelle nous ferions venir un représentant du Ministère (Philippe Casella ou son successeur) et des collègues de la vague A où la réforme est en cours d'application. La responsabilité de la séance serait confiée à Daniel Filâtre.

Pour la séance de mars (samedi 15 mars à la suite de la rencontre des 13 et 14 mars de l'AFS) où aurait lieu l'après-midi l'Assemblée générale annuelle, deux possibilités ont été évoquées, le choix définitif se faisant au CA de janvier en fonction de l'avancement des projets.

- soit une séance centrée sur la pédagogie qui regrouperait le projet de Frédéric Neyrat (l'enseignement de la socio dans les classes de terminales et dans le DEUG et leur articulation) et celui de Pascal Ragouet (confrontation au terrain, les méthodes enseignées)

- soit une rencontre sur la liste des revues de la discipline afin que la liste mise au point par Philippe Jeannin pour le CNRS puisse être discutée, modifiée et surtout qu'une procédure soit mise au point pour son actualisation. On pourrait faire venir Jeannin mais aussi solliciter des responsables de revues, demander à des responsables d'autres disciplines de nous expliquer comment ils travaillent (facteur d'impact) car nous allons être soumis à des pressions en vue d'une unification. Il s'agit de contrôler la situation en l'anticipant.

 

 

 

 

LETTRE DE L’ASES :
au sommaire des précédents numéros

 

Lettre n°31 : juin 2002

Faire une thèse : les doctorants parlent. Les doctorants qui sont ils ? par Salvadore Maugeri. Eléments d’analyse par Nicole Roux, Thèse de sociologie et sociologie de la thèse par Wencelsas Lizé et Tristan Poullaouec

L’encadrement des thèses

Enquête par Régine Bercot et Monique Legrand

Les relations directeur/doctorant par Suzy Guth

L’école doctorale par Daniel Filâtre

Pour un code de déontologie par Claude Dubar

Vie de l'ASES

Assemblée Générale : rapport financier par Michèle dion

Rapport moral : par Daniel Filâtre

Compte rendus du CA du 19 et du 21 janvier

Lettre n°30 : décembre 2001

2001 - Une année mouvementée par Daniel Filâtre. L'enseignement de la sociologie face aux réformes pédagogiques par Charles Doulié et Charles Gadéa. Informations sur le CNU par Jean-Yves trépos. La refondation de la Société Française de Sociologie. Vie de l'ASES : "l'affaire Teissier"

 

Lettre n°29 : octobre 2000

Mais que deviennent nos étudiants ? Une enquête sur le devenir professionnel des étudiants en sociologie. par Charles Soulié - Les enjeux de la commission Cohen-Le Déaut : de la politique scientifique aux acteurs de la recherche par Claude Didry -

Informations sur le CNU par J.-Y. Trépos et Ph.Cibois

Tribune libre Les procédures de décision en commission de spécialistes par José Rose

Informations Réunion des directeurs de labos Cnrs par Maryse Tripier

Vie de l'ASES

 

 

Lettre n°28 : Juin 2000

La formation des sociologues en Europe Introduction par Catherine Déchamp - Le Roux et Suzie Guth. Royaume-Uni par Christopher T Husbands. Pologne par Ewa Malinowska. Allemagne par Siegfried Geyer. Espagne par Enrique Gaston.

Les écoles doctorales. Rencontre avec Roger Frydman

Informations sur le CNU. Nominations en 1999 et renouvellement du CNU par Alain Chenu.

Vie de l'ASES

Lettre n°27 : mars 1999

Innovations pédagogiques Innover en tutorat par Jean-Louis Le Goff. Enseigner la méthodologie universitaire par Erika Flahaut. Une vidéo sur Becker et Friedson à Metz par B.Etienne et V.Meyer. Stage et formation à l'analyse sociologique par Michel Villette. Faut-il "s'adapter" au nouveau public par S.Garcia et A.Pélage.

Informations sur le CNU. Bilan des qualifications par Alain Chenu. Tribune libre de Lucy Tanguy et Pierre Tripier

Chronique Internet, Vie de l'ASES

Lettre n°26 : mars 1999

Les sociologues publient : où comment ?

Recrutements de 1998. Informations sur le CNU par Alain Chenu. Tribunes libre par Alain Quemin et Antonio Monaco

Dossier DESS. Compte-rendu de deux réunion de l'ASES par Monique Legrand. Liste des DESS de sociologie. Quelques thèses contestables par Pierre Tripier. Une question stratégique par Alain Chenu.

Chronique Internet, Vie de l'ASES

 

 

Rencontres de l'ASES

Janvier 2003  La réforme du LMD : quels enjeux, quelles orientations ?

Octobre 2002 : Evaluer une thèse

Mars 2002 Diriger ou encadrer une thèse : les directeurs de thèse parlent

Janvier 2002 Faire une thèse : les doctorants parlent

Octobre 2001 L'enseignement de la sociologie face aux réformes pédagogiques : questions autour de l'évaluation après la réforme Bayrou

Mai 2001 La thèse de sociologie - questions épistémologiques et usage après "l'affaire Teissier"

Janvier 2001 Situations locales et pratiques de la recherche

Septembre 2000 La publication des livres

Mars 2000 Le statut d'enseignant-chercheur

Janvier 2000 Les écoles doctorales

Octobre 1999 La formation des sociologues en Europe

Mars 1999 Innovations pédagogiques

Janvier 1999 Les sociologues publient : où, comment ?

Sept. 1998 Quelle politique de la recherche pour l'Université

Mars 98 Quarante ans d'enseignements de la sociologie, bilans et perspectives

Janvier 98 Les DESS de sociologie

Sept. 97 Chargés de cours, Ater, moniteurs, doctorants,... Quelle politique pour les statuts précaires ?

Mars 97 Actualité de la réforme du Deug (Bayrou)

Théorie sociologique et sociologie générale

Janvier 97 Enseigner les méthodes : observation, questionnaire, entretien

Sept. 96 Réforme du Deug ? Comment la prendre en charge.

Mars 96 Les débouchés des DEA et des docteurs (selon des sociologues non-universitaires)

Janvier 96 Campagne de recrutement 96 : nouvelles règles du jeu, nouveaux enjeux.

Sept. 95 Le bilan de la campagne d'habilitation des DEA : critères d'évaluation et processus de décision. Débouchés des DEA, avenir des docteurs en sociologie.

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Michèle DION (ASES)

46 bd Richard-Lenoir

75011 PARIS

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inclut le service de La Lettre de l’ASES et de la feuille d'avis des sites ASES/AFS

 

 

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Association des Sociologues Enseignants du Supérieur

Adhésion pour l’année 2003

 

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