La Lettre de l’ASES
Association des Sociologues Enseignants du Supérieur
22
décembre
1996
Enseigner les méthodes
Présentation de la prochaine recontre publique de l’ASES
du 25 janvier prochain par Philippe Cibois 3
Recrutement : bilan et questions
Position de l’ASES 5
Les nouveaux recrutés 6
Calendrier de la nouvelle campagne 7
Evaluation
Le fonctionnement de l’évaluation par Catherine Rollet 8
Tribune libre
A propos d’une pétition 11
Aux rédacteurs de la pétition par Bruno Péquignot 11
Quelques propositions pour améliorer le recrutement 17
A propos du nouveau programme de terminale SES par Nicole Pinet 19
L’univers paradoxal des universitaires par Jean Copans 24
Vie de l’ASES
Réforme du Deug ? Comment la prendre en charge. Compte-rendu. 28
Compte rendu du CA de l’ASES par François Cardi 29
A la mémoire de Claude Dufrasne 30
Prochaine rencontre publique de l’ASES
Samedi 25 janvier 1997
de 9h30 à 13h
Enseigner les méthodes
La lettre de l’ASES est le bulletin de liaison de l’ASES
Association des Sociologues Enseignants du Supérieur
Cette association Loi 1901 a été fondée en 1989 pour "défendre, améliorer et promouvoir l’enseignement de la sociologie. Elle vise à rassembler, à des fins d’information, de réflexion, de concertation et de proposition, les enseignants-chercheurs et les enseignants de sociologie en poste dans les universités et les établissements d’enseignement supérieur assimilés"
Le Conseil d’administration en est actuellement le suivant :
Yeza Boulhabel-Villac
Marcel Calvez
François Cardi (membre du bureau, secrétaire général)
Alain Chenu (membre du bureau, affaires corporatives)
Philippe Cibois (président, chargé du bulletin)
Catherine Déchamp-Le Roux
Michèle Dion (membre du bureau, trésorière)
Jean-Pierre Durand
Daniel Filâtre
Yves Grafmeyer
Suzie Guth
Monique Hirschhorn
Armel Huet
Dominique Jacques-Jouvenot
Monique Legrand
Claude Leneveu
Bruno Péquignot (membre du bureau, relations publiques)
Olivier Schwartz
François de Singly (vice-président)
Jean-Yves Trépos (membre du bureau, pédagogie)
Maryse Tripier (membre du bureau, recherche)
Rédaction de la Lettre de l’ASES : c/o Philippe Cibois
22 bis rue des Essertes, 94140 ALFORTVILLE
tel/fax 01 43 75 26 63, cibois@francenet.fr
Enseigner les méthodes
Présentation de la prochaine rencontre publique de l’ASES du 25 janvier 1997
et du présent numéro de la Lettre
Ph. Cibois
Président de l’ASES
La prochaine rencontre publique de l’ASES aura lieu le samedi 25 janvier 1997 de 9h30 à 13h (lieu à préciser) elle sera consacrée au thème suivant : enseigner les méthodes. Cette rencontre est centrée sur les problèmes d’enseignement, non sur ceux de méthodes : il s’agit de faciliter la confrontation des pratiques, car ce type d’enseignement a sa spécificité, il est moins l’objet de cours magistral, il part plus de l’induction, du travail pratique.
Trois ateliers sont prévus chacun sous la responsabilité d’un animateur : ils fonctionneront en parallèle (avec une séance finale de discussion générale) sur les thèmes suivants :
- l’observation et ses protocoles d’analyses,
- le questionnaire et son traitement,
- l’entretien et l’analyse de son contenu.
Pour préparer la journée, il est demandé à tous ceux qui voudraient présenter une expérience, rendre compte d’une démarche intéressante, exposer des réflexions, poser des questions, de me contacter pendant le mois de décembre. Vous recevrez un programme précis début janvier.
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Après un premier bilan fait par Alain Chenu des activités du CNU 96, voici la suite des opérations : liste des nommés et calendrier de la nouvelle campagne. Pourtant cette campagne entraine encore des commentaires : après un premier article paru dans Le Monde, une pétition circule signée d’un collectif de sociologues candidats. En réaction à ces textes on trouvera d’abord la position que l’ASES réaffirme en la circonstance et, dans la rubrique Tribune libre, un certain nombre de textes et de réactions.
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L’Ases a été questionnée à plusieurs reprises sur les problèmes d’attribution des primes d’encadrement doctoral : nous avons répercuté la question auprès de Catherine Rollet, consultant pour la sociologie auprès du Ministère. Elle expliquera plus loin comment fonctionne cette instance d’évaluation. Qu’elle soit remerciée d’avoir bien voulu aider à la transparence de l’institution.
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La rubrique Tribune libre fonctionne toujours et attend votre participation pour un prochain numéro de la Lettre.
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Extraits des textes actuels sur le recrutement
Art. 26 I Pour chaque concours, la commission de spécialistes compétente examine les titres et travaux des candidats. Elle entend, pour chaque candidature, les rapports des deux rapporteurs désignés par son président. Après avoir délibéré, elle établit la liste des candidats admis à poursuivre le concours. L’un des deux rapporteurs désignés pour chaque candidature peut être extérieur à la commission. Les rapporteurs peuvent recueillir sur les travaux des candidats l’avis écrit d’experts extérieurs à la commission. L’avis est annexé au rapport.
II Il est procédé à l’audition des candidats admis à poursuivre le concours, selon des modalités identiques pour un même concours, soit par la commission de spécialistes, soit par une sous-commission d’au moins quatre membres constituée en son sein par la commission de spécialistes à la demande de son président. Cette sous-commission, qui est composée pour moitié de professeurs titulaires et membres de corps assimilés et qui est présidée par l’un d’entre eux, transmet à la commission de spécialistes son avis sur les candidats entendus.
III A l’issue des auditions, la commission de spécialistes dresse par ordre alphabétique la liste des candidats qu’elle a sélectionnés. Cette liste, qui comprend au maximum cinq noms pour chaque emploi offert au concours, est transmise au ministre chargé de l’enseignement supérieur par le chef d’établissement.
Recrutement : bilan et questions
Position de l’ASES
En réponse aux prises de position qui circulent dans la presse ou dans le milieu des sociologues, l’ASES rappelle les points suivants :
Cooptation
Pour un universitaire, le métier d’enseignant est tout autant fondamental que son métier de chercheur. Devenir enseignant dans une université, c’est être accepté par un groupe d’autres enseignants afin de répondre à des besoins précis dans un domaine à enseigner. Il s’agit d’une cooptation qui doit pondérer plusieurs critères : les critères scientifiques, cela va de soi, mais aussi l’aptitude à enseigner autre chose que son domaine de recherche, l’aptitude à collaborer dans un département.
Pour être efficace, cette cooptation ne peut se faire seulement sur dossier, encore moins sur un concours où l’on choisirait en fonction de son rang : elle suppose une audition qui permette de se rendre compte de toutes les facettes du candidat. Un excellent dossier scientifique, même labélisé d’une manière prestigieuse, n’est pas une condition suffisante pour un recrutement, mais inversement une intégration préalable par un dévouement hors de pair ne l’est pas non plus pour assurer la priorité dans un recrutement local.
Une pondération doit être maintenue entre ces deux aspects : c’est au CNU de veiller à la qualité scientifique de ceux qu’il habilite. C’est aux commissions de spécialistes de s’assurer par une audition faite dans de bonnes conditions matérielles et qui soit respectueuse des personnes (on ose espérer que cela a toujours été le cas), que le candidat qu’elle recrute respecte cet équilibre délicat à établir entre qualités de chercheur et qualités d’enseignant.
Procédure
L’ASES rappelle son attachement aux procédures de recrutement qui permettent de s’assurer que les critères qui vont permettre une bonne intégration dans une université ne soient pas uniquement déterminants dans le choix d’une commission de spécialiste : contre le danger de l’excès de localisme, l’ASES souligne l’importance du travail fait par le CNU. Elle répète que l’ancienne procédure de recrutement avait sa préférence (habilitation préalable par le CNU) car la procédure actuelle est particulièrement longue et lourde (ce qui entraine les actuels problèmes de calendriers) et elle ne permet pas d’examiner l’ensemble des candidats mais uniquement ceux sélectionnés par une université.
Le bureau de l’ASES
Liste des maitres de conférences recrutés en 19e section pour 1996
Amiens |
Maximiliaan Banens |
Orléans IUT |
Salvatore Maugeri |
Besançon |
Chevalier Sophie |
Paris 1 |
Mario Correia |
‘’ |
Christine Gamba |
‘’ |
Luc Legoux |
Bordeaux 2 |
Patrice Duran |
Paris 5 |
Olivier Martin |
Brest |
AlainVilbrod |
Paris 9 |
Marc Glady |
‘’ |
Gilda Charrier |
Rennes IUFM |
Pascal Guibert |
Caen |
Gilles Bataillon |
Rouen |
Odile Blin |
‘’ |
Béatrice Lecestre |
‘’ |
Maryse Boyer |
‘’ |
Clotilde Lemarchant |
‘’ |
Yankel Fijalkow |
Grenoble 2 |
Michel Dubois |
‘’ |
Jean-Louis Le Goff |
Le Havre IUT |
Daniel Reguer |
Strasbourg 2 |
Béatrice Maurines |
Lyon 2 |
Corinne Rostaing |
Toulouse 2 |
Christophe Jalaudin |
Montpellier 2 |
Rachid Amirou |
‘’ |
Marc Suteau |
Metz |
Alain Quemin |
Tours |
Patrick Legros |
‘’ |
Estelle Bonnet |
‘’ |
Françoise Sitnikoff |
Nancy |
Jean-Marc Stebe |
||
Nantes |
Philippe Alonzo |
Aix |
poste retiré |
‘’ |
Stéphane Beaud |
Créteil IUT |
poste non pourvu |
‘’ |
Christian Vogels |
Perpignan |
poste non pourvu |
Mutations
Créteil IUT |
Frédéric Charles |
Brest |
Philippe Lacombe |
L’examen des origines (université où a été passée la thèse) et des lieux de recrutement laisse apparaitre les résultats suivants :
Sur les 37 recrutés 19, soit la moitié viennent d’un établissement parisien alors que seulement 4 postes étaient disponibles à Paris. Les recrutés venant de Paris l’ont plutôt été dans des universités de province proche, de même qu’il y a un effet de recrutement local au niveau des grandes régions : Ouest ou Est.
Liste des professeurs recrutés (ou en mutation) en 19e section pour 1996
Amiens |
Marlène Lamy |
Perpignan |
Alain Tarrius (mut.) |
Evry |
Jan Spurk |
Poitiers |
Gilles Ferréol |
Lille 1 |
Alexis Ferrand |
Rennes IUT |
2 postes non pourvus |
Lille 3 |
Le Huu Khoa |
Rouen |
poste non pourvu |
Metz |
Suzy Guth (mut.) |
Strasbourg |
pas de candidat démo. |
Paris 7 |
Catherine Quiminal |
Toulouse 2 |
Marcel Drulhe |
Paris 8 |
Daniel Lindenberg |
‘’ |
Fr. Paul-Lévy (mut.) |
‘’ |
Dominique Merllié |
Calendrier de la nouvelle campagne
- 16 décembre : publication des postes au JO
- 16 janvier : date limite de dépôt des candidatures
- de fin janvier à fin février commissions de spécialistes
- mai : session du CNU
- juin : classement par les commissions de spécialistes
- juillet : acceptation des nominations
Le fonctionnement de l’évaluation
Catherine Rollet
La DSPT 6 ("Sciences humaines et sociales") est l'un des dix départements de la Mission Scientifique et Technique (MST) qui couvre l'ensemble des disciplines scientifiques (des "mathématiques" en 1 à "l'énergie, technologie de l'environnement et des ressources minérales" en 10). Au sein du Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'insertion professionnelle, la MST est une instance d'évaluation et d'expertise scientifique elle n'est pas une instance de décision. La MST rend des avis, fournit des classements, fait des propositions ; aux instances de décision du Ministère de prendre in fine les décisions. Dans l'immense majorité des cas, les avis émis par le consultant et les experts sont suivis mais il peut y avoir des différences, le plus souvent liées à des rééquilibrages entre disciplines ou entre régions. A noter que nous ne savons pas toujours très rapidement, dans les départements, les résultats de nos avis. C'est le cas par exemple de la dernière campagne des primes d’encadrement doctoral.
On trouvera en annexe la composition de la DSPT 6 et pour la sociologie, voici le nom des experts :
Carmen Bernand, Paris X
Jean-Michel Chapoulie, ENS Saint-Cloud
François Chazel, Paris IV
François Dubet, Bordeaux II
Michel Forsé, Lille I
Armel Huet, Rennes II
Bernard Valade, Paris V,
François Gresle, Paris I
Françoise Piotet, CNAM
Anne-Marie Guillemard, Paris I
Les "dossiers" que les départements de la MST expertisent se répartissent de la façon suivante d'après mon expérience d'un peu moins d'une année (donc incomplète):
- Habilitation des diplômes (DEUG, Licence, Maîtrise, etc...)
- Habilitation des DEA (création, renouvellement, fusion...)
- Habilitation des formations de recherche
- Primes d'encadrement doctoral (campagne annuelle, examen des recours)
- Bourses diverses de mobilité (bourses post doct)
- Allocations de recherche (1e et 2e session, auxquelles il faut ajouter les réponses aux appels d'offre)
- Prolongation des allocations de recherche (1 an ou 6 mois)
- Expertise de diverses demandes (colloques, aide à l'édition, etc...)
- Avis sur les postes (vacances de postes, créations)
L'organisation de chacune de ces expertises est, dans chaque cas, très différente. Il serait beaucoup trop long de détailler. Disons simplement que, dans certains cas, les dossiers sont examinés d'abord par les experts (chez eux), puis en groupe (consultant plus un ou deux experts) : c'est le cas par exemple de presque toutes les procédures d'habilitation. Pour d'autres dossiers, l'évaluation se fait sur place, au Ministère, au cours d'une journée de travail. Le consultant fait alors un travail préparatoire d'aide à la décision : tableaux récapitulatifs, statistiques, etc... A noter que les documents fournis par l'administration sont souvent disponibles assez tard avant la date d'expertise, ce qui ne facilite évidemment pas le travail mais la qualité des documents disponibles progresse
Les primes d'encadrement doctoral
Pour évaluer la qualité scientifique des dossiers déposés pour la campagne 1996, consultant et experts (nous étions trois pour effectuer ce travail de proposition de classement) ont tenu compte essentiellement des critères suivants : encadrement de thèses (et de DEA pour les MC) et soutenances, publications (livres, revues dont celles à comité de lecture, congrès, ouvrages collectifs), responsabilités administratives et scientifiques (direction d'un laboratoire, d'un département, d'une UFR, etc...), activités de valorisation (prix, comités de rédaction, conseils, invitations, commissions nationales et internationales, CNU, CNRS). Pour faciliter cette tâche, une feuille d'analyse normalisée récapitulant ces différents points a été établie pour chaque demande (y compris des données concernant le laboratoire d'appartenance, la date de naissance et le grade). Dans la limite de l'enveloppe affectée à la sociologie, sur la base des dossiers fournis, et par groupe de demande (classe exceptionnelle, Professeur Ie classe, Professeur 2e classe et Maître de conférences habilité), la discussion générale qui a suivi ce travail a permis de procéder à un classement (A -proposé pour une prime-, B, C). Ce classement a été par la suite modifié dans un sens favorable, des B devenant A et proposés donc pour une prime.
36 collègues avaient cette année demandé cette prime. 16 l'ont obtenue certainement. Le taux est donc de 44 %, soit le taux moyen prévu pour cette campagne (40-45 %), ce qui correspond à un progrès par rapport à l'année dernière. Compte tenu d'un cas incertain, il est même possible que ce taux atteigne 47 %. A noter que le nombre de primes à répartir est décidé par le directeur du département et ses adjoints.
Classe exceptionnelle : 1 proposition
PR Ie classe : 5 propositions
PR 2e classe : 8 propositions
MC : 2 propositions.
Annexe
Composition de la DSPT 6 : Sciences humaines et sociales
1 rue Descartes, 75231 PARIS Cedex 5, fax 01 46 34 48 40
Directeur scientifique : André Dauphiné, professeur, université de Nice
Directeur scientifique adjoint : Michel Terrasse, directeur d’études, Ephe
Coordinateurs :
Franck Lessay, professeur, université Paris 3
Claude Lévy-Leboyer, professeur, université Paris 5
Vincent Rogard, maitre de conférences, Paris 5
Consultants
Jean-Pierre Chaline, professeur, université Paris 4
Bernard Deforge, professeur, université de Caen
Maurice Godé, professeur, université Montpellier 3
Jean-Louis Heim, professeur, Mnhn
Pierre Magnard, professeur, université Paris 4
Roger Marchal, professeur, université Nancy 2
Antoine Mares, maitre de conférences, Inalco
François Queyrel, directeur d’études, Ephe
Michel Reddé, directeur d’études, Ephe
Catherine Rollet, professeur, Versailles - St-Quentin
Olivier Soutet, professeur, université Paris 4
Marie-Claire Zimmermann, professeur, Paris 4
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Tribune libre
Nous avions l’intention de publier ici le texte d’un collectif de sociologues candidats à l’université portant sur le recrutement des maitres de conférences de sociologie et sous-titré ‘’Chronique d’une procédure opaque et bâclée’’. Ce texte nous était parvenu, nous l’avions fait circuler en bureau et, en plus de la position de l’ASES donnée plus haut, l’un de nous avait souhaité répondre en son nom propre. Nous pensions qu’il était important de publier ce texte ici pour une bonne information du milieu des sociologues, même s’il ne reflétait pas notre position. Malheureusement, nous sommes au regret de dire que nous n’avons pas été autorisé à le faire car il nous a été dit qu’il devait paraitre préalablement dans la revue Genèses.
Nous publions cependant la réaction de Bruno Péquignot qui se suffit à elle-même ainsi que des propositions concrètes pour l’amélioration du travail des commissions de spécialistes : autre texte du même collectif que nous avons reçu peu avant le bouclage de ce numéro.
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Aux rédacteurs de la pétition
‘’Recrutement des maitres de conférences en sociologie à l’Université’’
Bruno Péquignot
Université de Franche-Comté
Chers et chères collègues,
J'ai pris connaissance par l'ASES. du texte dont vous êtes les rédacteurs et qui circule comme "pétition" concernant le recrutement des maîtres de conférences en sociologie à l'Université. Je vous envoie mes réactions à votre texte, histoire de nourrir un débat nécessaire et urgent.
Globalement d'accord avec votre texte, c'est cependant sur les quelques points de divergences que j'insisterai, il ne me parait pas utile de répéter ce que vous dites si bien. Je constate seulement avec une certaine amertume que malgré plusieurs changements de procédure, ce que j'ai vécu dans ma propre carrière est toujours vrai ! C'est sans doute une raison de plus pour réfléchir à d'autres solutions.
a) Je vous cite : " D’autres postes ne sont pas ‘’fléchés’’ mais se révèlent être, à l’épreuve, des ‘’fléchages cachés’’ où on attendait des candidat(e)s un profil de recherche correspondant aux intérêts des laboratoires locaux ".
Votre texte semble s'étonner de ce que le recrutement se fasse en fonction "des intérêts des laboratoires locaux", cela ne me parait pas scandaleux (j'y reviens dans la suite de cette lettre au point 5) : il y a une équipe qui a des besoins en enseignement et en recherche (pour répondre souvent à des demandes étudiantes - n'oublions pas que c'est pour eux que nous recrutons ! ) et qui cherche à y répondre par un recrutement. Le "meilleur" (ce mot a-t-il un sens au singulier ? ) candidat n'est pas toujours celui qui correspond à un besoin précis, parfois tout simplement parce que son profil est très proche de celui d'un enseignant-chercheur déjà en poste. Ce point justifie également qu'il y ait pour certains postes des profils - même si je trouve assez étrange le caractère pointu de certains d'entre eux, justement dénoncés dans votre texte -. il faut bien reconnaître que publier un poste (de maître de Conférences) en sociologie générale, alors qu'on cherche un "sociologue du travail", signifie qu'on prend le risque, effectivement, que la plupart des dossiers reçus soient à peine ouverts. Les seuls réellement pris en compte seront ceux de sociologie du travail, dans l'exemple choisi.
De ce point de vue, il faut insister sur le fait que les "petites" facs cherchent souvent des candidats qui soient à la fois "spécialisés" et "généralistes" ; trop de candidats, dont j'ai eu à examiner le dossier, sont exclusivement spécialisés et souvent dans un seul domaine très pointu (celui de leur Thèse), leur dossier ne faisant apparaître aucune activité généraliste (sociologie générale, histoire de la discipline, méthodologie) même dans l'enseignement. L'audition parfois le fait apparaître - d'où son utilité - mais cela signifie aussi que le dossier est incomplet ou peu clair. Les commissions n'ont pas peut-être tous les torts !
b) Je vous cite à nouveau : " Ensuite, la commission de spécialistes vote et sélectionne les candidat(e)s pour un ‘’oral’’ : pourquoi certaines d’entre elles sont-elles particulièrement malthusiennes et ne retiennent-elles que cinq candidat(e)s à auditionner ? Mystère, mais on peut supposer que c’est pour de mauvaises raisons (pas de temps à perdre, éliminer dès le début de la procédure les dossiers ‘’gênants’’, préserver toutes les chances de leur ‘’poulain’’...). D’autres commissions retiennent vingt cinq candidat(e)s pour deux postes. Pourquoi ? Même mystères... Ce qui est surtout frappant, c’est que ce choix pour les auditions obéit à une rationalité impénétrable de l’extérieur. ".
La question du nombre de candidats convoqués est difficile à trancher : en convoquer beaucoup donne l'apparence du choix, mais 1) augmente pour chaque candidat les frais (surtout quand on est éloigné du "centre"), 2) augmente les risques de chevauchement entre commissions (en augmentant le nombre de jours d'audition), 3) multiplie les déceptions en créant de faux espoirs.
En convoquer trop peu aboutit bien évidemment au risque inverse : les abandons de candidatures (certains candidats n'hésitent pas à prétendre qu'enseigner à Belfort et en AES serait en dessous de leur "niveau"), les chevauchements avec d'autres commissions et enfin le jugement de la commission réduit de façon caricaturale le nombre des "restants".
Peut-être faudrait-il s'entendre sur un nombre moyen, mais je n'ai pas de solution.
c) autre citation : " Si l’on tient à tout prix à conserver l’originalité de la sociologie dans le paysage universitaire français et réussir le renouvellement des générations d’enseignants-chercheurs (enjeu central de ces prochaines années) il faut :
- inventer un système de régulation spécifique à la discipline qui permette d’intégrer dans le corps enseignant universitaire tous ceux qui ont fait leurs preuves sur le plan de la recherche, quel que soient leurs parcours universitaires.
- renforcer les UFR de sociologie, notamment en les associant étroitement à des structures de recherche, freiner la multiplication de petites UFR régionales (qui se révèle être catastrophique sur le plan scientifique car elle se fait essentiellement au gré des caprices du moment des forces politiques locales), encadrer strictement le comportement de ces ‘’potentats locaux’’ qui règnent en maitres sur ces nouveaux petits fiefs, bien loin de toute considération de recherche scientifique "
Les solutions préconisées sont intéressantes. pour réaliser la première, il faudrait multiplier les postes par 4 ou 5 au moins, quel gouvernement le fera ? Mais c'est sur le second point que je voudrais marquer une divergence plus grave : mon désaccord porte sur votre critique des "petites UFR régionales". N’y a-t-il que dans les "grandes" métropoles (Paris ?, EHESS ?) que l'on puisse travailler , et le faire avec rigueur et honnêteté ? Cette idéologie - à mon sens réactionnaire - qui courre dans les milieux universitaires sous différentes formes, a trouvé une dénomination dans le dernier programme électoral du RPR : les pôles d'excellence ! (c'est sans doute la pire). Si c'est cela que vous préconisez, très peu pour moi. Je ne crois pas que les "potentats" locaux soient plus puissants ou plus nuisibles dans les "petites" universités que dans les "grandes", et je ne suis pas sûr que les relations entre enseignants-chercheurs y soient pires. Mais cette opposition est stérile et inutile. Cessons d'opposer les uns aux autres. La création de "pôles d'excellence", dans l'état actuel des bourses d'étudiant est la forme la plus subtile et la plus injuste de sélection sociale par l'argent, je ne crois pas que ce soit un facteur de progrès pour notre discipline. Le modèle serait : pour les pauvres, des centres de proximité ne comportant que des IUT peuplés de Prag et de PRCE n'ayant pas le droit de faire de la recherche et pour les bourgeois des "grandes" métropoles, des enseignants-chercheurs. J'ose espérer que ce n'est pas là votre souhait : permettez moi de vous appeler à la vigilance sur ce point, il y a des dénonciations qui servent parfois plus la cause de vos adversaires que la vôtre. Les affirmations gratuites ("qui se révèle catastrophique sur le plan scientifique car elle se fait essentiellement au gré des caprices du moment des forces politiques locales") sur ce point dans votre texte sont injustes et je les ressens, personnellement - enseignant-chercheur dans une "petite UFR régionale" - comme insultantes !
Enfin votre texte fait allusion à l'échange de correspondances publié dans Le Monde(le 18/07/1996 et les 21-22/07/1996) concernant le recrutement des enseignants-chercheurs des Universités. Je ne veux pas ici reprendre toutes les questions traitées - d'autant moins que sur bien des points je suis en accord avec ces textes - , mais seulement revenir sur quelques points qui me semblent importants dans ce débat :
1) Maintenir une instance nationale (d'ailleurs largement composée de "régionaux") est essentiel pour garantir la qualité scientifique des candidats ; cela ne signifie pas une approbation du système de recrutement mis en place récemment. Le système précédent, sans être parfait, était meilleur et surtout moins lourd : une liste nationale de qualification, puis un choix local donnait des garanties contre un népotisme trop fort, mais aussi permettait aux équipes de choisir ceux avec lesquels elles seront amenées à travailler quotidiennement et pour de longues années parfois, et de plus dans des locaux exigus. On sait que si ce système a été supprimé, c'est essentiellement parce qu'il rendait visible l'importance d'un "vivier" de qualité, qui faisait un peu "désordre" par rapport à l'importance des besoins et à l'insuffisance des créations de postes. Casser le thermomètre ne fait pas tomber la fièvre, mais permet, provisoirement, de feindre l'ignorer !
2) La création d'une sorte "d'agrégation du supérieur", me parait la pire des solutions à envisager ; ce type de recrutement existe dans d'autres disciplines (médicales, juridiques) et ce que nous en savons n'est pas en leur faveur. A tout le moins, on ne peut pas dire que le système soit plus honnête ou moins injuste que dans les disciplines sans agrégation du supérieur. De plus j'ai quelque doute sur la fiabilité de ce système pour repérer les qualités spécifiques au recrutement des enseignants-chercheurs. Les candidats "brillants" dans les concours ne sont pas toujours les meilleurs dans un amphi, ce sont seulement ceux qui ont l'habitus le plus adapté à la situation !
3) Cependant, il me semble qu'il manquait au système précédent l'interdiction de se présenter dans une université où le candidat a accompli l'essentiel de sa formation et notamment son troisième cycle. Cette disposition, d'ailleurs (timidement) prévue par la Loi de 1984, dite Loi Savary, permettrait d'éviter le recrutement interne de candidats respectables certes, mais trop souvent choisis non pour leurs compétences scientifiques et pédagogiques, mais plus pour leur vertu à ne pas faire d'ombre à leurs "maîtres"., voire ce qui serait pire encore "pour services rendus". La critique nécessaire à l'avancement de la science vient plus souvent de l'extérieur d'un courant théorique que de l'intérieur et la formation des étudiants a tout à gagner à l'augmentation de la diversité intellectuelle.
4) M. Constant dans sa critique du texte de l'ARESER. ajoute une note bien connue et trop souvent répétée : la critique des non résidents, dits "turbo-profs". La répétition d'une erreur n'en fait pas une vérité. Il faut donc redire sans doute quelques évidences, et tout d'abord qu'il vaut mieux un turbo-prof (qui fait pleinement son métier : recherche, enseignement, responsabilités administratives) que mille résidents qui trouvent plus confortable d'être chez eux que dans les locaux souvent inhospitaliers de notre université française.
M. Constant est sans doute de ces collègues qui ne trouvent rien à redire à un résident qui refuse toute responsabilité dans l'université, et il est sans doute le premier à fustiger un turbo-prof, pour une fois absent d'une réunion, sans tenir compte du travail qu'il abat par ailleurs. Le résident en fait toujours assez, le turbo-prof jamais ! Mais je ne vais pas faire l'éloge des turbo-profs, ce serait un plaidoyer pro domo sans doute mal venu, j'aimerais seulement que l'automatisme psychologique qui en fait la cause de tous les maux des universités non parisiennes sévisse moins.
5) Un mot encore : ce qui est réellement inadmissible à mes yeux de turbo-prof, c'est le fait que certains collègues, résidents ou non, considèrent que seule leur "crèche" d'origine est digne de leur activité de recherche, et que de ce fait ils n'ont pas à participer au développement de la recherche dans leur établissement de rattachement et peuvent rester "scotchés" (comme disent nos étudiants) à leur laboratoire d'origine, la plupart du temps, parisien.. Mais cette pratique, encore une fois, se trouve être le fait de résidents comme de non-résidents. Il est urgent d'indiquer qu'on peut faire de la recherche en dehors de Paris intra muros, et qu'il est même possible d'avoir une vie de chercheur en dehors de l'EHESS ou de la Sorbonne ! Pour les étudiants comme pour l'ensemble de la communauté universitaire, un turbo qui cherche dans son université vaut mille fois mieux qu'un résident qui croit qu'on ne cherche qu'à Paris.
Pour conclure : le maintien d'une instance nationale de qualification, le choix local en dernière instance (avec la suppression de ce droit exorbitant donné aux Conseils d'Administration des Universités de refuser certaines candidatures, se croyant capables de juger des compétences scientifiques d'un candidat d'une discipline que ses membres ne pratiquent pas, au mépris des règles universitaires traditionnelles, si ce n'est de la loi, et du simple bon sens), interdiction de se présenter sur un poste vacant dans l'université de la thèse et enfin obligation d'effectuer ses recherches dans l'université d'exercice (pour faire respecter ce dernier point, il suffirait de ne plus compter dans les évaluations scientifiques d'une équipe les travaux et publications des chercheurs non statutairement rattachés à l'équipe en question) : le respect de ces quelques principes, sans mener à la perfection un système certes complexe, améliorerait le recrutement des enseignants-chercheurs et la vie quotidienne dans l'université.
Bien cordialement
Bruno Péquignot
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Quelques propositions pour améliorer le recrutement en sociologie à l’Université
par un collectif de sociologues candidats à l’Université
Quelques mesures permettraient de garantir une certain égalité des chances entre candidats, et assureraient notamment une plus grande transparence de la procédure de recrutement :
1) Clarifier le fléchage des postes en publiant le ‘’profil du poste ‘’ et en spécifiant son contenu : nature et charge de l’enseignement, laboratoire d’accueil, etc. Contrôler les fléchages ‘’déguisés’’ (comme ceux qui sont extrêmement ‘’pointus’’), en exigeant un libellé conforme aux grandes branches de la discipline (sociologie politique, sociologie des organisations, sociologie du travail, sociologie de l’éducation, sociologie urbaine, sociologie de la culture, sociologie de la déviance, etc.) Le CNU devrait avoir un droit de regard sur le ‘’fléchage’’ pour, le cas échéant, modifier les intitulés ‘’aberrants’’.
2) Expliciter les critères de sélection, valables nationalement et suffisamment permanents, appliqués à chaque étape de la procédure.
3) Publier la composition des commissions de spécialistes (par exemple sur Minitel) de façon à ce que cette information soit également partagée par les candidats qui ne seraient ainsi pas obligés de la ‘’quémander’’.
4) Assurer la totale transparence de la distribution des dossiers des candidats aux membres des commissions de spécialistes, par exemple en rendant public leur mode de répartition.
5) Faire mieux connaitre le profil des candidats à tous les membres des commissions, notamment en distribuant à l’avance les CV (ou des résumés de CV) afin d’éviter le phénomène souvent constaté des dossiers ‘’oubliés’’.
6) Faire vraiment respecter le quorum en-deçà duquel la commission de spécialistes ne peut pas statuer.
7) Rendre obligatoire et effectif l’envoi aux candidats des deux rapports rédigés par les membres des commissions de spécialistes (idem pour le CNU). Puisqu’il semble désormais normal d’attendre plusieurs années avant d’avoir un poste, cela aiderait les candidats à améliorer leurs dossiers.
8) Rendre aussi publiques les listes des candidats auditionnés, puis sélectionnés, enfin élus, en mentionnant le titre de leur thèse, le nom du directeur de thèse, la composition du jury, et le nom des rapporteurs des commissions locales et du CNU.
9) Adresser aux candidats non retenus le nom de leurs rapporteurs, la liste des membres présents afin qu’ils sachent auprès de qui s’adresser pour s’informer des raisons de leur échec.
10) Prévoir de véritables auditions, plus longues (trois quarts d’heure - une heure), donnant lieu à de vraies discussions et non pas aux simulacres actuels.
D’un point de vue institutionnel, quelques propositions ‘’utopiques’’
11) Renforcer le rôle du CNU (selon des modalités à discuter) qui devrait être en charge d’une première sélection des dossiers, en sachant bien que si ce n’est pas lui qui fait ce travail, aucune instance locale ne le fera.
12) Modifier la composition des commissions locales : accroitre le nombre de leurs membres, augmenter la part des ‘’vrais’’ membres extérieurs (qui pourraient être désignés par le CNU) et imposer la présence d’une majorité de sociologues dans les commissions locales.
13 Assurer les conditions matérielles décentes de travail, notamment en termes de temps, aux membres des commissions de spécialistes pour que le recrutement des nouveaux enseignants-chercheurs puisse redevenir une activité essentielle des universitaires.
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A propos du nouveau programme de terminale SES
Nicole Pinet
Université de Lille 3
Au moment où l'ASES débat de la réforme du DEUG, un détour par les lycées peut apporter d'utiles éléments de réflexion. Les sciences économiques et sociales (SES), matière pluridisciplinaire enseignée dans la série ES (ex-série B), viennent, en effet, de connaître une réforme des programmes. En septembre 1995, après les classes de seconde et de première, la terminale a inauguré un nouveau programme, principalement modifié dans sa composante sociologique. De prime abord, la sociologie sort renforcée de cette réforme : son poids augmente (relativement à l'économie, qui demeure néanmoins prépondérante), tandis que s'affirment son autonomie disciplinaire et ses exigences théoriques (précédemment, les parties sociologiques du programme tendaient à être "encastrées" dans les parties économiques et leurs ambitions théoriques étaient -implicitement, en tout cas - moindres). Ce renforcement de la sociologie s'accompagne d'un changement d'approche des contenus enseignés qu'il est intéressant de confronter à certaines propositions de Frederik Mispelblom et de Philippe Cibois. Apparaît alors un étonnant chassé-croisé : le nouveau programme de terminale s'éloigne du type d'enseignement proposé pour le DEUG afin de se rapprocher d'un modèle plus universitaire !
A l'origine, dominait en SES une approche en termes "d'objets-problèmes", consistant à utiliser des problèmes actuels comme leviers didactiques pour "accrocher" les élèves et les hisser au niveau de l'analyse théorique. L'étude de ces problèmes, en mobilisant les apports des diverses disciplines, cherche à permettre un apprentissage progressif du raisonnement intellectuel en sciences sociales. Philippe Cibois et Frederik Mispelblom adoptent cette perspective, lorsqu'ils proposent de s'appuyer sur la question des "sans-papiers" pour aboutir aux théories de l'acteur ou sur celle de l'insertion pour initier aux diverses sciences sociales. Le nouveau programme de terminale -consacrant une évolution déjà entamée- s'écarte de cette perspective au profit d'une approche plus académique : sa partie sociologique, qui porte sur les processus de changement social, est organisée autour de quatre grands ancêtres (Tocqueville, Marx, Durkheim et Weber). L'ambition affichée est "d'amener l'élève à la compréhension du monde économique et social contemporain" à partir de ces auteurs qui ont chacun élaboré une grille de lecture des sociétés modernes. Il y a donc inversion de la démarche classique des SES : au lieu de "remonter" vers la théorie en prenant appui sur des faits inscrits dans l'univers de référence des élèves, on entend "redescendre" vers ces faits et les éclairer en partant des théories élaborées par les pères fondateurs.
Ce renversement de perspectives provient sans doute en partie du souci de renforcer la légitimité scientifique des SES, qui a été contestée à plusieurs reprises. Certains économistes universitaires, notamment, ont dénoncé ce qu'ils estimaient être un inconsistant magma pluridisciplinaire. La composante "sciences sociales" des SES s'est révélée particulièrement exposée à ces attaques. Parfois aussi, l'acquisition de contenus disciplinaires a été jugée sacrifiée à la prise en compte des centres d'intérêt des élèves et à l'apprentissage de méthodes. Le recours aux grands auteurs en sociologie peut alors apparaître comme une façon de parer à ces différentes critiques, en offrant des garanties de rigueur scientifique.
Cette tentative de consolidation scientifique crée cependant plus de problèmes qu'elle n'en résout. C'est du moins l'analyse que je fais du nouveau programme et j'en présente ici quelques éléments à partir de l'exemple de Durkheim.
Le programme officiel associe Durkheim (comme les trois autres auteurs) à un thème déterminé, selon la présentation du tableau 1.
Une telle présentation suggère que le premier paragraphe concerne directement l'auteur représentatif avec sa thématique propre, tandis que le second prolonge pour la période contemporaine la réflexion engagée dans le passé par cet auteur. Un lien de filiation est établi entre les deux paragraphes : une "pensée mère" de la période fondatrice apparaît comme ayant engendré une descendance conceptuelle mobilisable pour l'analyse des temps présents. Telle qu'elle se présente, cette approche généalogique s'avère éminemment problématique.
Il apparaît d'abord que le choix du thème étudié focalise l'enseignement sur De la division du travail social, qui n'est sans doute pas l'ouvrage de Durkheim ayant le mieux vieilli. Un important travail de recontextualisation historique et de commentaire critique s'impose alors pour qu'un lycéen de 1996 en saisisse l'intérêt et les limites. Mais les enseignants ne disposent pas du temps pour le faire (programme encyclopédique), ni toujours de la formation voulue (ils sont majoritairement de formation économique). Et les élèves risquent fort de décrocher et de développer une attitude passive, si l'enseignement vire au cours magistral et biographique (du type "Durkheim, sa vie, son oeuvre, son époque").
Programme |
Notions que les élèves doivent acquérir |
Indications complémentaires |
Changement et soli-darités sociales Division sociale du travail et intégration
Lien social et exclusions |
Solidarité mécanique / organique, conscience collective, cohésion sociale
Groupe social, anomie, pauvreté, marginalité sociale, déviance |
On montrera, à partir d'exemples et en s'appuyant notamment sur l'analyse de Durkheim, la transformation des formes de solidarité sociale liée au développement de la division du travail
On s'intéressera à l'évolution (renforcement/affaiblissement) des rapports sociaux et de la participation à différents groupes et institutions. On s'appuiera sur des exemples contemporains en discutant notamment le rôle des groupes primaires et des groupements intermédiaires (famille, syndicats) |
Tableau 1
En outre, cette focalisation sur la thèse de Durkheim conduit à figer à ses tout débuts une pensée qui a connu bien des développements ultérieurs. De là vient probablement, parmi les notions à acquérir, la sélection de l'anomie (présente dans l'ouvrage de 1893) et l'omission de l'égoïsme (qui apparaîtra plus tard). Voilà un biais fâcheux, si l'on entend faire connaître les analyses durkheimiennes sur les "maux" typiques des sociétés modernes. Ce biais tient sans doute aussi au projet de montrer l'actualité de Durkheim à travers des notions qui sont censées être héritées de lui -directement ou indirectement- et appliquées aux questions sociales d'aujourd'hui. Et de ce point de vue, l'anomie est un véritable filon, en raison de sa formidable postérité. Le malheur est que ses usages post-durkheimiens sont aussi variés que flous. Comment alors définir de manière suffisamment précise et univoque cette notion que l'on demande aux élèves d'acquérir (de même que celles de déviance, pauvreté, exclusion, intégration) ?
En fait, des notions de ce genre ne peuvent être "apprises" aux élèves à l'aide de "bonnes" définitions. On peut, certes, présenter l'anomie chez Durkheim et montrer comment elle s'insère dans son dispositif théorique. Mais on ne peut pas laisser croire à une définition unique, valable pour tous les auteurs, d'hier à aujourd'hui. Et on ne doit sûrement pas suggérer que l'anomie durkheimienne a engendré l'anomie mertonnienne, qui elle-même a débouché sur la déviance, laquelle mène à l'exclusion. Or, c'est la dérive que porte en germe la présentation du programme, juxtaposant ces différentes notions et incitant à partir de Durkheim pour arriver à l'exclusion. Rien d'étonnant si, en lisant certains manuels, on a le sentiment que l'actuel SDF ou le jeune de la "galère" descend en ligne directe du suicidé anomique via le hobo des années 20 !
Des dérapages du même ordre sont encouragés par la relation établie entre division sociale du travail et intégration (sous-titre du premier paragraphe), cela dans le voisinage des mots "cohésion sociale, lien social, pauvreté, exclusions". L'examen de divers manuels montre que cette constellation de termes a déclenché une succession de glissements sémantiques et débouché sur un contresens théorique. Ainsi, une dissertation est proposée sur le sujet suivant : "Quelle est la place du travail dans le processus d'intégration sociale?". Les documents fournis à l'appui de cette question concernent presque tous les menaces actuelles sur l'emploi (précarisation, chômage, etc) et comprennent un extrait de Durkheim sur la solidarité organique.
Autrement dit, Durkheim est utilisé pour penser la question de l'intégration par le travail, ce qui ne correspond pas à sa problématique. Cette déformation résulte des enchaînements pervers suivants : dans "division du travail" est d'abord escamoté le mot "division" ; de là, s'opère un glissement vers "travail et intégration/cohésion", ce qui déclenche une association avec son contraire, "non-travail et pauvreté/exclusion". On passe ainsi de la division du travail comme source de cohésion sociale chez Durkheim à la grande question sociale d'aujourd'hui, c'est-à-dire le travail comme facteur d'intégration sociale et l'absence de travail comme facteur de pauvreté et d'exclusion. Ce télescopage aboutit à une dénaturation complète de Durkheim : là où il écrit que la différenciation des fonctions sociales génère une forme particulière de solidarité sociale, on lit que le travail constitue un moyen d'insérer les individus dans la société et donc que la privation de travail engendre l'exclusion -notion moderne issue de l'anomie...
Cette actualisation sauvage de Durkheim trouve aussi un puissant stimulant dans les modalités de l'épreuve d'examen. En effet, certains élèves suivent, outre l'enseignement de SES, une option d'approfondissement dans cette matière : tout au long de l'année, ils étudient plus avant les auteurs au programme et se voient obligatoirement proposer des extraits de ceux-ci dans leur sujet de bac. Il y a là une invitation supplémentaire à faire preuve "d'imagination créatrice" en instaurant des passerelles inédites entre Durkheim et les problèmes actuels susceptibles d'être traités dans un sujet de bac.
Sachant de quels compromis complexes est issu un programme scolaire, sa rigueur épistémologique est par construction douteuse et sa critique un peu facile. Que le recours aux grands ancêtres donne lieu à des dérapages n'est pas surprenant et ne permet en rien de conclure aux dangers d'une approche "académique" face aux mérites d'une approche en termes "d'objets-problèmes". Mais cette réforme soulève bien des questions qui se posent constamment à nous : avec tels étudiants, à tel stade de leur cursus, vise-t-on d'abord à susciter une "attitude mentale" face au social ou bien à faire acquérir des notions savantes ? Convient-il de privilégier le Durkheim épistémologue et méthodologue plutôt que le Durkheim penseur de la modernité, préoccupé par l'égoïsme et l'anomie ? Comment montrer l'actualité des pères fondateurs sans créer anachronismes et malentendus ? Vaut-il mieux faire connaître les travaux actuels sur l'exclusion ou faire lire les textes canoniques ? Etc... Autant de choix qui nous appartiennent, sans programme officiel pour nous contraindre et avec la chance de pouvoir en débattre collectivement.
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L’univers paradoxal des universitaires
Jean Copans
Université de Picardie Jules Verne - Amiens
La discussion et la réflexion sur le rôle du travail, les nouvelles formes possibles d'emploi, et ce que d'aucuns appellent la pluriactivité, commencent à ébranler le mur des certitudes de la civilisation occidentale et à laisser entendre que le modèle issu de la révolution industrielle, sous ses aspects les plus récents et les plus performants, est non seulement en crise mais même dépassé historiquement. De plus en plus les pays sous-développés du Sud apparaissent plutôt comme notre avenir que comme notre passé : prédominance du chômage et du non-emploi ou sous-emploi, déqualification générale des systèmes sociaux et de santé, systèmes de formation en porte à faux et inadéquats, etc.
Le paradoxe de tous les débats actuels sur l'enseignement, et notamment sur l'enseignement supérieur, est leur caractère anhistorique et de courte vue. Il est évident que si la révolution industrielle au sens large a fait son temps, il en est de même aux plans intellectuel, 'moral' et institutionnel. Ainsi l'Université en tant que mode de transmission et de production du savoir, des connaissances, est une institution patrimoniale et 'éducatrice' dont les règles libérales d'apprentissage remontent au moins au milieu du siècle dernier! C'est dire que la modernité de sa fonction, et même de son projet date quelque peu même si les idées qu'elle diffuse (le progrès scientifique, la rationalité des explications, l'agnosticisme critique des idées et des idéologies) manifestent toujours (du moins à mes yeux) une modernité fondatrice et révolutionnaire indépassable pour le moment. Les nouvelles contraintes culturelles, sociales et productives en train de se construire n'ont presque aucun rapport avec le modèle théorique de l'Université tel que l'a sédimenté l'évolution historique. Le décalage que certains constatent ou déplorent entre la réalité et 'l'institution' ne fait aucun doute mais pour répondre au sens réel des demandes sociales il faut absolument inverser notre façon d'analyser et de raisonner. Le modèle de demain n'est ni celui d'hier (ou même d'avant-hier) ni une laborieuse adaptation-modernisation de ce dernier. Le système de demain c'est la pratique d'aujourd'hui : les fonctions de fait de l'université dessinent en creux et en relief un univers nouveau, encore largement atomisé et très hétérogène, à propos duquel on ne connaît presque rien, ou du moins dont on ignore les véritables socio- et anthropo- logiques de fonctionnement et de signification.
Certes nous avons une vision convenable des grandes masses étudiantes, de leurs origines, de leurs diplômes, de leur genre et niveau de vie. Le statut social de l'étudiant a donc une certaine consistance mais qu'en est-il des enseignants et des administratifs, de l'univers social, symbolique et intellectuel du monde universitaire? Quel est le monde social 'pratique' et cognitif des activités universitaires quotidiennes depuis les inscriptions jusqu'aux examens, des cultures personnelles, scolaires, livresques, orales, 'professionnelles' (du métier d'étudiant) jusqu'aux habitudes de vie, de travail, de 'petit boulot', de vie quotidienne dans les espaces universitaires? L'université et plus largement l'éducation nationale (par le biais des emplois, des redistributions de revenu) assument de plus en plus une véritable fonction de socialisation à retardement, de 'pré-professionnalisation' à un monde d'activités et non plus de métiers ou de professions. Cette socialisation se déroule dans un monde spécifique, un milieu 'bureaucratique' aux traditions très prégnantes qui restitue, à la fois involontairement et volontairement, les effets pervers du monde extérieur. Ainsi on essaie de faire croire par exemple que l'orientation serait la solution miracle et que tout irait mieux si l'université orientait et surtout orientait correctement. Le libéralisme 'néo-stalinien' d'une telle mesure autoritaire confirme l'incapacité des politiques mais aussi et surtout des universitaires eux-mêmes à reconnaître le monde tel qu'il est.
Le vocabulaire du document distribué par le Ministère lors des récents Etats Généraux est sans ambiguïtés : 'les erreurs d'orientation', les 'gaspillages', les 'sacrifiés', les 'talents qui ne trouvent pas à s'épanouir', l’inquiétude' du chômage : tout le malheur du monde et des étudiants sont à la charge des universités et des universitaires. Le sens réel de ce discours est la rationalisation budgétaire. La découverte des filières par l’expérience est récusée au profit d'une orientation faite dès la première année ou même dès le Lycée. C'est secondariser, du moins symboliquement, l'Université et c'est le Ministère qui le propose.
Toutes les réflexions actuelles vont dans le sens du décrochage diplôme = métier et diplôme = un seul métier. Sans vanter la polyvalence opportuniste, il semble préférable de valoriser une identité construite, adaptable et maîtrisable par l'étudiant, qu'un itinéraire effectivement désincarné. Mais cela implique un vadrouillage généralisé dans le supérieur et ce pourrait être l'une des fonctions du Ier cycle. Laisser l'étudiant faire des choix, ses choix, même 'stupides' sans penser qu'il y a un seul itinéraire possible. A la thèse de la pluriactivité doit correspondre effectivement une première expérience de pluriformation.
Néanmoins ce projet va à l'encontre de la sur-filiarisation du second cycle du secondaire et des bacs pointus. Seule une culture scientifique (et technique, et humaniste et ... générale) est performante : l'orientation réelle va à l'encontre de l'idée d'une présélection disciplinaire. Mais les deux peuvent se construire avec majeure, mineure et le reste comme dans le système américain.
A voir les cursus réels des étudiants, les seuls pouvant nous éclairer sur des orientations possibles et vraisemblables, la déconnexion 1er / 2e cycle peut ouvrir une porte normale aux transferts qui mobilisent énergies et frustrations. A l'Université d'assurer une formation générale de premier cycle sur trois ans et aux Facultés de proposer des formations spécialisées sur trois ans en second cycle. Ce premier cycle sous-gradué pourrait donner lieu à un diplôme professionnalisant (la licence n'a-t-elle pas acquis de fait un statut pré-professionnel comme condition d'accès à l'IUFM?). Au lieu de penser Collège universitaire au cursus propre, pensons plutôt mode de formation, de remise à niveau comme disent certains, avec un diplôme qui ait une valeur propre de formation générale et non disciplinaire. On pourrait envisager la même chose à l'autre bout du cursus, au niveau des DEA qu'on aurait intérêt à professionnaliser, à DESS 'iser'. Le Doctorat sans allocation devient de plus en plus impossible et de toutes les manières la réforme du CNU, l'embauche massive de PRAG prouve que le Ministère se moque bien des 10.000 docteurs qu'on nous a demandé de fabriquer.
Enfin aux dires des élèves et des étudiants, l'orientation ne se fait réellement que sur le terrain en cours d'étude. Elle se fait 'à la sortie' et non pas 'à l'entrée'. Choisir d'investir dans une politique d'orientation c'est à la fois du masochisme et du cynisme et consiste à renvoyer dans l'UFR voisine les étudiants dont on ne veut pas. Laissons les étudiants faire leurs choix, qu'ils gaspillent 'profitablement' (c'est-à-dire de façon choisie), qu'ils assument leurs responsabilités et non pas notre autorité bureaucratique. L'experience montre que trois ans est une durée optimale pour ce faire. Il n'y aura pas besoin d’orientation, de passerelles et autres redoublements une fois défini un minimum annuel et un maximum diplômant.
Si l'Université refuse la sélection, elle doit aussi refuser l'orientation qui n'est qu'une sélection déguisée dont nous devons assumer la gestion alors que l'autre est préalable. Distinguons les fonctions de formation générale et de spécialisation : il faut retarder le plus possible cette dernière car celle que nous donnons actuellement est illusoire et pseudo-scientifique.
L'université que modèlent inexorablement le nouveau monde productif, les nouvelles valeurs civilisationnelles en gestation n'a ni à 'former' ni à transmettre des connaissances et encore moins à conserver un patrimoine que toutes nos élites (y compris les élites élitistes de la science et de la culture avec un S et un C) bradent à qui mieux mieux. Il s'agit au contraire de découvrir (et de fabriquer, d’expérimenter) les nouvelles règles du jeu social, de marchander la nouvelle valeur (à géométrie dite variable) des diplômes, de déconnecter les notions de travail, d'emploi, d'activité de celles de diplôme et de certification des connaissances d'abord, des compétences ensuite. L'exception est en train de devenir la norme et la norme l'exceptionnel. L'université, par son désordre apparent, par ses règles 'obsolètes' (à l'université on redouble encore les cursus, on valorise la réflexion personnelle et le libre-arbitre intellectuel, etc) est un terrain prédestiné pour faire passer ce message malgré l'affichage apparemment contraire de ses finalités et objectifs. Jadis double décoratif d'ambitions véritablement bourgeoises, l'Université est devenu un double beaucoup moins décoratif des angoisses petites-bourgeoises et des ambitions mal-armées, et surtout trop tardives, des catégories populaires. On brade l'université au moment où elle n'est plus stratégique (rappelons que chez nous elle ne l'a jamais été à cause des Grandes Ecoles : 12% d'augmentation des effectifs des classes préparatoires depuis 2 ans, ne voilà-t-il pas un chiffre significatif?). L'école secondaire dite de masse n'a pu tenir ses promesses et l'arrivée à l'Université depuis six ans n'est plus, hélas, qu'une fuite en avant.
Notre ignorance de ce qui se passe à l’intérieur des universités est tout simplement stupéfiante. Nous sommes incapables de mesurer précisément notre rendement et d'en décrire les lois de fonctionnement. Quelle est notre 'culture d'entreprise' concrète et non pas mythique? J’emploie cette expression qui me déplait faute de mieux mais sociologie de l'organisation et anthropologie de l'entreprise ne fleurissent-elles pas? Ne faut-il pas décrire et comprendre les modes de représentation et d'action que nouent tous les acteurs internes et externes du système. Quelle est 'la pensée sauvage' (au sens levi-straussien) qui préside aux modes de pensée des étudiants, des administratifs mais aussi des enseignants? Un peu de sciences sociales fondamentales et appliquées ne ferait pas de mal et si les universitaires savaient un peu mieux 'comment ça marche', il y aurait peut-être eu un peu moins de débats style 'café du commerce' dans les Etats Généraux qui ont eu lieu l’an dernier. Tout cela en dit long sur l'irresponsabilité de tous les acteurs du système (y compris de ce lobby qui commence à naître, celui des 'parents d'élèves') et surtout sur celle des universitaires, assumée très collectivement, qui ressemblent ainsi à l'image bien connue des autruches qui cacheraient leur tête dans les sables.
Vie de l’ASES
Compte-rendu de la rencontre de l’ASES
du 28 septembre 1996
Réforme du Deug ? Comment la prendre en charge
François Cardi, secrétaire général
Frédérik Mispelblom, Philippe Cibois et Daniel Filâtre ont tour à tour présenté les contributions mises au débat sur l’enseignement dans les premiers cycles. Chaque intervention a été suivie d’un court échange faisant apparaître la grande diversité des situations, à Besançon, à Lille, dans les pays de Loire, à Rennes ou à St-Quentin en Yvelines.
Puis un débat général s’est engagé où sont intervenus notamment Jean-Pierre Terrail, Maryse Tripier, Alain Chenu, Bruno Péquignot, Jean-Pierre Durand, Michèle Pachter, Pierre Parlebas.
De très nombreuses questions sont soulevées et quelques solutions avancées :
- La question du caractère parfois massif des abandons étudiants en cours de Deug est abordée, ainsi que celle du tutorat susceptible d’y remédier, au moins de façon partielle, et celle de d’interdisciplinarité qui peut, à certaines conditions de forte mobilisation pédagogique, y remédier également.
- Le nombre des étudiants inscrits en 1er cycle occupe une place importante dans les difficultés éprouvées. Les normes quantitatives d’encadrement en vigueur ne semblent pas correspondre aux enjeux réels.
- La transition de la situation d’élève à celle d’étudiant pose la question d’une période longue d’adaptation pendant tout le 1er cycle.
- L’hétérogénéité du public pousse à l’alternative suivante : soit fixer d’emblée l’enseignement en termes de discipline (la sociologie), soit gérer le plus longtemps possible la diversité des étudiants issus de multiples filières.
- Cette hétérogénéité interroge la nature même de l’enseignement supérieur, dont les Deug contribuent à prolonger la filière de l’enseignement secondaire, y compris les filières défavorisées (culture et communication, AES par exemple) et à opérer un tri massif parmi les nouveaux étudiants (50% d’abandons chez les étudiants issus des Bac G et Bacs techniques par exemple). De ce point de vue, se pose la question des enseignants qui accepteront (ou voudront) enseigner dans des Deug très généralistes, qui informent plus qu’ils ne forment.
- Tous ne font pas ce constat. A condition d’un fort investissement pédagogique (soutien aux étudiants en difficulté, repérage d’étudiants intéressés par la sociologie, maintien d’un bon niveau intellectuel pour tous), les Deug peuvent ne pas être des sous-Deug. Il y faut une forte présence des étudiants à l’université, l’organisations de Travaux pratiques et l’apprentissage de l’autonomie dans le travail.
L’ensemble du débat a fait apparaître un large accord sur le refus des collèges universitaires, formule qui isole les étudiants de premier cycle, coupe les enseignants de la recherche et reproduit une sélection deux ans après le baccalauréat. La période impose d’avantage une amélioration de la situation existante qu’un bouleversement institutionnel.
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Compte-rendu du CA de l’ASES
du 28 septembre 1996
Présents : F.Cardi, A.Chenu, Ph.Cibois, M.Dion, J.-P.Durand, D.Filâtre, S.Guth, B.Péquignot, O.Schwartz
Excusés : M.Calvez, A.Huet, D.Jacques, Cl.Leneveu, F. de Singly, J.-Y.Trépos.
Quatre points sont abordés :
1. Le CA reprend les conclusions du débat de la matinée et affirme la réserve, voire l’opposition aux collèges universitaires. Plusieurs interventions prennent la forme de propositions :
- limiter l’entrée des PRAG dans l’Université, à moins qu’ils n’assurent des séances de TP dans le cadre de maquettes transformées (1200h au lieu de 800). Cette proposition pose tout à la fois le problème des étudiants salariés et de la dévalorisation de l’enseignement supérieur.
- connaître mieux et structurer les débouchés à la fin de chaque année face à l’alternative : professionnalisation ou formation générale de haut niveau. L’idée d’une enquête par cohorte pour connaître le cheminement à la fois universitaire et professionnel des étudiants est lancée.
2. Le recrutement sur les postes de Maître de conférences et de Professeur.
Alain Chenu explique la nécessité d’ouvrir un débat sur les nouvelles procédures de recrutement, sur lesquelles un article est paru dans le Monde et une pétition circule actuellement. Faudra-t-il interdire les candidatures locales ? Dans ces procédures, quelles places occupent les mentions décernées aux thèses par le jury ?
3. La prochaine réunion publique de l’ASES aura lieu le 25 janvier 1997 sur les méthodes d’enquêtes : formation à l’enquête, continuité dans le cursus, encadrement, objets de cette activité. Un appel à contribution est lancé pour cette journée. Elle se déroulera sous forme de débats de groupes constitués selon les centres d’intérêt et de spécialités (statistiques, enquêtes, entretiens, observation, etc.)
4. La prochaine Lettre de l’ASES, rédigée selon les besoins de l’Association, de la conjoncture et des contributions écrites pourrait publier, entre autres, la liste des experts du Ministère et les données relatives aux procédures d’attribution des primes d’enseignement doctoral.
Compte-rendu fait par F.Cardi, secrétaire général.
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A la mémoire de Claude Dufrasne
L’ASES à la tristesse d’annoncer le décès de Madame Claude Dufrasne, retraitée, ancien professeur émérite de sociologie de l’Université Paris 7 - Denis Diderot, survenue le 27 septembre 1996, des suites d’une longue maladie.
Elle était membre de l’ASES depuis les débuts de l’association.
Lettre de l’ASES :
au sommaire des précédents numéros
Lettre n°21 : septembre 1996 Réforme du Deug ? Comment la prendre en charge ?
Frederik Mispelblom : Enseigner dans le DEUG : le savant est aussi un politique.
Philippe Cibois : Pour un Deug généraliste
Daniel Filâtre : Après trois ans d’expérience du Deug rénové, faut-il une autre réforme ?
Lettre n°20 : juillet 1996
Alain Chenu : CNU 1996, un bilan
Philip Milburn : chronique d’une grève annoncée
Philippe Cibois : morale provisoire pour l’Université
Lettre n°19 : novembre-décembre 1995
Table ronde de l’ASES : sociologies pour non spécialistes (écoles d’ingénieurs, médecine, IUT, architecture)
Maryse Tripier : habilitations des DEA, la campagne 1995
Jean Pavageau : les qualifications de maitres de conférences en 1995
Lettre n°18 : été 1995
Bilan et perspectives, par les quatre présidents : Catherine Paradeise, Pierre Tripier, Bruno Péquignot, Maryse Tripier.
A nouveau de nouvelles procédures de recrutement : dossier
Jean-Pierre Terrail : les félicitations et leur inflation
Lettre n°17 : avril-mai 1995
Les qualifications en sociologie-démographie, par Jean-Piere Terrail.
Ce qui manque dans certains dossiers par Suzie Guth
Lettre n°16 : mai-juin 1994
Les qualifications en sociologie-démographie, par Alain Dittgen, Suzie Guth, Maryse Tripier.
Eléments de démographie corporative : les enseignants titulaires de la 19e section
L’afflux, l’accueil et le devenir des étudiants de premier cycle en sociologie, par François-Xavier Merrien.
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Si vous souhaitez adhérer à l’ASES
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Michèle DION (ASES)
46 bd Richard-Lenoir
75011 PARIS
La cotisation annuelle de 150 F (chèque à l’ordre de l’ASES)
inclut le service de La Lettre de l’ASES
Si vous êtes déjà membre de l’ASES
Vous recevrez en début d’année une invitation à renouveler votre adhésion
pour 1997
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Association des Sociologues Enseignants du Supérieur
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